Déjà, Donald Trump paraît englué dans la bureaucratie américaine, cerné par de multiples contre-pouvoirs, à commencer par son propre parti, le Parti républicain. Sur les thèmes de l’immigration illégale, de l’assurance de santé publique Obamacare et des sanctions contre les importations chinoises, chaque jour il nuance son propos allant jusqu’à demander conseil à Barack Obama.
En un éclair, Trump a pris conscience de l’écart béant entre sa chanson primitive aux électeurs et sa traduction pratique. A tout moment, le personnage flamboyant et imprévisible peut resurgir et bouleverser l’ordre relatif de l’économie et des institutions internationales. Mais sur un point saillant de la campagne qui correspond à ses convictions, à celles de ses électeurs, de son Parti et d’une majorité d’Américains, il ne cédera pas : le réchauffement climatique.
Il est certain que, par quelque subterfuge juridique ou par mauvaise volonté, le prochain gouvernement américain n’appliquera pas le Traité de Paris, qui oblige les signataires à réduire, d’année en année, leur production de dioxyde de carbone, l’un des principaux gaz responsables de l’effet de serre. Sur ce point, Trump dispose d’une majorité parlementaire et populaire : les protestations seront dispersées, les scientifiques américains étant eux-mêmes divisés sur le sujet plus que ne le sont leurs collègues européens. Les gouvernements chinois et indien, pour qui le développement industriel l’emporte sur les précautions écologiques, seront trop heureux de se réclamer des Etats-Unis pour ne pas appliquer de restrictions à leurs centrales à charbon. Je ne vois guère qu’Obama, écologiste convaincu, pour prendre la tête d’un vaste mouvement de « sauvetage » de la planète.
Le démantèlement des accords internationaux sur le changement climatique aura-t-il des conséquences dramatiques sur l’humanité ? Essayons de démêler le certain, le probable et l’improbable dans cette controverse où la science tricote avec l’idéologie. Tout d’abord, ne pas croire du tout au changement climatique est une posture intenable. Le climat change tout le temps par définition et l’histoire moderne illustre ces changements par l’évolution des cultures — l’avancée et le recul de la vigne en Europe, par exemple. Il est indéniable qu’actuellement, nous sommes dans une phase de réchauffement comme en témoigne — plus persuasive que les ours blancs désorientés sur la banquise, très photogéniques — la progression dans des zones naguère tempérées et en altitude de maladies et virus tropicaux propagés par les moustiques, comme la malaria, le chikungunya ou le zika. On sait aussi de manière certaine que le dioxyde de carbone, émis par la consommation d’énergies fossile, contribue au réchauffement, mais on ne sait pas à quel degré.
A ce seuil, la science bascule dans la croyance et rend impossible tout débat calme. Confortés par les mouvements écologistes — dont les voix sont utiles —, les gouvernements occidentaux et le lobby du nucléaire — hostile au charbon, au pétrole et au gaz — ont adopté une attitude intransigeante désignant le dioxyde de carbone comme coupable et eux-mêmes comme sauveurs. Il n’est pas innocent que la passion pour la climatologie, science balbutiante et incertaine, coïncide avec l’affaiblissement de la capacité politique d’intervenir sur le cours de l’histoire, en raison de la mondialisation et du discrédit général des idéologies qui promettaient des lendemains enchanteurs. Le Vert a pris le relais du Rouge.
Si les grands pollueurs, à la suite des Etats-Unis, renoncent à leurs engagements climatiques, l’atmosphère se réchauffera-t-elle jusqu’à rendre la planète invivable ? Seuls nos enfants et petits-enfants s’en apercevront, tant les évolutions climatiques sont lentes. Par ailleurs, il n’est pas certain que le Traité de Paris aurait eu le moindre effet sur l’émission de dioxyde de carbone ou sur le climat. Il existe un consensus entre économistes du monde entier pour recommander plutôt une taxe sur le carbone, plus efficace que les engagements gouvernementaux d’en limiter l’usage : mais c’eut été une méthode trop libérale et moins glorieuse pour les politiciens qui, tel Zorro, tiennent à nous sauver.
Il n’en reste pas moins que le réchauffement actuel provoque, nous l’avons souligné d’emblée, des pandémies redoutables. On saurait dès maintenant les contenir en éradiquant les moustiques, comme on le fit il y a un siècle à peine dans le sud de l’Europe et des Etats-Unis. De même, là où existent des risques écologiques liés à la montée des eaux, il serait judicieux d’interdire les constructions en zones inondables. Les constructions hâtives et intempestives étant aujourd’hui la principale cause des catastrophes naturelles, plus que le climat. Lutter contre les conséquences du réchauffement climatique est à notre portée et plus immédiatement efficace que lutter contre le réchauffement lui-même, mais évidemment moins glorieux et moins prophétique. Si Trump, sur ce sujet, conduit au pragmatisme, le reste, peut-être, pourra lui être pardonné.