Les chefs d’Etat modernes sont jugés sur les résultats économiques de leur mandat : ce qui est un paradoxe. Dans nos économies ouvertes sur le monde, les gouvernements ont peu de moyens d’agir sur le rythme de la croissance.
La croissance obéit par essence à des cycles mondiaux qui eux-mêmes sont titulaires avant tout des innovations techniques. Les gouvernements peuvent donc nuire à la croissance, en l’encombrant de règles contraignantes ou par l’excès de déficit par exemple ; mais stimuler la croissance, personne ne sait faire. L’important reste d’avoir de la chance et c’est ce que les deux présidents ont en commun.
Nous sommes au début d’un cycle de croissance mondial qui a commencé avant l’élection de Donald Trump et d’Emmanuel Macron, mais ce sont eux qui en tirent les bénéfices électoraux. Les mesures annoncées par l’un et par l’autre n’ont-elles pas accéléré le cycle de croissance ? C’est douteux parce qu’entre le moment où une décision économique est prise et celui où ses effets sont observables, il se passe des années. Le temps de la politique est rapide, celui de l’économie est lent ; ils coïncident rarement.
Autre paradoxe : si les intentions de Trump de limiter les échanges internationaux entraient réellement en vigueur, l’effet serait désastreux pour l’économie américaine. Paradoxe en France aussi : la mini-réforme du Code du travail entreprise par Macron a accéléré les licenciements de masse, immédiats, mais pour l’instant, elle est sans effet sur les recrutements. Avec un taux de croissance satisfaisant, le chômage français reste constant (9,4 %) ; il baisse vite en Amérique où il n’y a pas de Code du travail.
Dissipons une autre illusion : le taux de croissance américain (2,3 %) est globalement supérieur au taux français (1,9 %) parce que la population américaine augmente plus vite. Si les restrictions à l’immigration voulues par Trump étaient appliquées, la croissance américaine ralentirait elle aussi.
Trump et Macron sont donc jugés sur ce qu’ils ne maîtrisent pas et non sur ce qu’ils pourraient maîtriser, comme la redistribution des richesses, la sécurité ou encore l’entente entre les concitoyens venus d’horizons divers.