Le 6 octobre dernier, le président français rencontrait le président d’Apple à Paris. Doit-on y voir un rendez-vous d’affaires ou une réunion de chefs d’Etat ?
En 1967, le journaliste Jean-Jacques Servan-Schreiber publiait Le défi américain, un bestseller en France et aux Etats-Unis. Le Français observait dans son ouvrage que les grands groupes américains — IBM, Ford ou Boeing à l’époque — étaient plus puissants que certains Etats européens. Il en concluait que l’Union Européenne devait se renforcer et adopter des projets communs. L’avionneur Airbus, une coopération entre la France, l’Allemagne de l’Ouest et le Royaume-Uni, vit le jour en 1970 mais depuis lors, pas grand-chose. Le même livre pourrait être écrit aujourd’hui avec Emmanuel Macron dans le rôle de Servan-Schreiber, à la suite de sa rencontre avec Tim Cook, le président d’Apple.
Apple est un empire mondial, dont nul sur la planète ne peut se passer. C’est un monopole qui accompagne notre vie quotidienne, oriente notre existence et lit dans nos pensées. Comme Google, Facebook et Amazon, Apple a asphyxié toutes les plateformes concurrentes. Les utilisateurs et employés d’Apple, venus de toutes les nations, ont adopté une identité nouvelle, les « Appleites« .
Les Européens qui ont raté ce virage technologique ont peu de moyens de rétorquer : Macron souhaiterait qu’Apple paye enfin des impôts et crée plus d’emplois en France. Apple doit annoncer prochainement son implantation à la Station F, l’incubateur inauguré cet été dans le XIIIe arrondissement. Mais si trop d’impôts sont exigés d’Apple, l’entreprise boudera la France. Emmanuel Macron et Tim Cook, au terme de leur réunion, ont fait bonne figure. Le dialogue a été « constructif », affirme l’Elysée. « La discussion va se poursuivre. » Mais Macron n’ira pas bien loin et l’Europe, même unie, n’arrachera pas à Apple plus qu’une amende pour abus de monopole.
Il n’y aura probablement jamais d’Apple européen et peut-être les membre de l’U.E. devraient-ils prendre acte des nouveaux rapports de force avec les entreprises mondiales. Les Etats européens devraient se concentrer sur ce qu’ils savent faire et que le GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon] ne font pas — assurer la sécurité des citoyens et leur solidarité —, et laisser aux entrepreneurs le soin d’innover et de produire. Il n’est pas certain que se mêler de la création de start-up, une passion chez Macron, soit le rôle de l’Etat ni même de quelque utilité. Aussi innovant soit-il, tout créateur français de start-up ne rêve que de se vendre à Apple ou à Google.