Roberto Alagna : « Le MET est un opéra de légende »

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Le célèbre ténor français Roberto Alagna se produit au MET du 6 au 26 février. Il incarne Don José dans Carmen, l’opéra de Georges Bizet. Pour France-Amérique, il évoque sa carrière, ses débuts à l’opéra et son avenir.

France-Amérique : A partir du 6 février, vous incarnez Don José dans Carmen au Metropolitan Opera. C’est un rôle que vous connaissez parfaitement ; Carmen est l’opéra le plus joué au monde. Est-ce toujours le même plaisir de chanter ce rôle ?

 

Roberto Alagna : Oui ! Il n’y a aucune lassitude car Carmen est un chef-d’œuvre. Quand j’interprète des grands personnages comme Don José ou Cyrano, je les fais évoluer avec moi-même, avec mon expérience de la vie. A chaque fois, j’essaye de me dire : qu’est-ce que je ferais dans cette situation ? Je ne juge jamais la personnalité ou les caractères : je regarde toujours le côté positif des personnages.

Vous êtes un habitué du MET. Cette scène a-t-elle quelque chose en plus, que les autres théâtres n’ont pas ?

 

Le MET est un opéra de légende. J’aime sa dimension historique. Il y a une vraie continuité : on ressent l’héritage des chanteurs du passé, c’est quelque chose d’exceptionnel. Tous les chanteurs que j’admire sont passés sur cette scène, de Caruso jusqu’à Pavarotti…

C’est d’ailleurs au MET qu’a eu lieu la fameuse standing ovation pour Pavarotti dans La Fille du Régiment de Donizetti…

 

Oui, j’ai d’ailleurs vu Pavarotti interpréter cet opéra au MET ! Il avait eu le courage, à plus de 60 ans, de rejouer ce rôle extrêmement virtuose. Pendant le grand air « Ah mes amis ! Quel jour de fête », il avait tenté, pendant la générale, de chanter les Ut… Il n’avait malheureusement pas réussi à les chanter. C’est Jean-Luc Viala qui l’avait ensuite remplacé. Mais j’avais été frappé par l’incroyable panache de Pavarotti.

Le public américain est-il comparable aux autres publics amateurs d’opéra ?

 

Ce sont des connaisseurs. La vraie différence est que les gens viennent au MET pour se régaler, pour voir un spectacle comme on irait voir une comédie musicale sur Broadway. A l’inverse, en France ou en Italie, certains spectateurs se déplacent dans l’unique but de casser (sic) la production et les chanteurs. Heureusement, cela ne concerne que quelques théâtres. Mais ça fait partie du jeu.

Adolescent, vous étiez fasciné par Elvis Presley…

 

Jeune, j’ai été fasciné par plein d’artistes, pas seulement classiques. C’est vrai qu’Elvis Presley a marqué mon adolescence. Quand je l’ai découvert, j’ai été subjugué par sa beauté, son charisme et sa voix… J’adorais aussi Mario Lanza : Elvis, c’était un peu la version rock de Mario Lanza.

Votre dernier disque, « Ma vie est un opéra », est un grand succès. On y trouve des œuvres éclectiques, des airs d’opéra français aux mélodies italiennes. Ce disque est représentatif de votre carrière…

 

Chaque morceau illustre un moment de ma vie. C’est un chapitre, une page qui se tourne. Et une période neuve s’ouvre : un nouveau couple et un enfant, un nouvel âge et des nouveaux rôles ! Je prends toujours autant de plaisir à chanter. Je reviens au MET tous les ans, et à chaque fois, les gens avec qui je travaille me disent qu’ils trouvent ma voix de plus en plus fraîche.

Si votre vie devait être un opéra, lequel serait-il ?

 

Il faudrait mélanger plusieurs morceaux ! A la fois des œuvres romantiques, avec des moments heureux et tragiques. Il faudrait aussi y ajouter des airs d’une fable…

Fils d’immigrés siciliens, vous avez grandi à Clichy-sous-Bois ; vous ne venez pas d’un milieu qui vous prédestinait socialement à l’opéra. Quel regard portez-vous sur votre parcours, de la banlieue parisienne au MET ?

 

C’est assez curieux, mais je ne crois pas avoir encore pris du recul par rapport à mon parcours. Pour moi, le moment n’est pas venu de me retourner ni de faire le bilan. Le jour où je vais m’arrêter, je me rendrai compte que j’ai fait un sacré bout de chemin ! Quand j’ai commencé ma carrière, je pensais chanter pendant cinq, voire dix ans au maximum. Et cela fait maintenant 30 ans ! Quand j’étais jeune, rentrer dans un chœur aurait déjà suffi à mon bonheur…

Vous souvenez-vous de votre première expérience à l’opéra, en tant que spectateur ?

 

Mon premier opéra, je l’ai vu à Glyndebourne, en coulisses… et le lendemain, c’est moi qui chantait sur scène ! Avant de commencer ma carrière, je n’étais jamais allé à l’opéra. Dans ma famille, on croyait que c’était réservé à une élite. Quand je disais à ma mère que je voulais aller à l’opéra, elle me répondait : « Mais tu es fou, ce n’est pas notre milieu, tu es un fils d’ouvrier, tu ne pourras pas rentrer ! » Je pensais que c’était inaccessible. Maintenant, je sais que c’est possible. Il suffit de faire l’effort.

Des barrières demeurent, tant symboliques que financières…

 

L’opéra n’est pas plus cher que d’autres spectacles ou qu’un match de football ! Allez donc voir un match de basket à New York, votre ticket coûtera plus que cher que si vous allez au MET. Il faut se méfier des clichés, parfois véhiculés par les médias. Ceux qui voient l’opéra comme un art élitiste, réservé aux connaisseurs, se trompent totalement. C’est de la musique populaire.

Avec vos CDs de reprises de Luis Mariano et de mélodies siciliennes, vous avez sans doute incité vos fans à commencer à écouter de l’opéra. Est-ce une satisfaction pour vous ?

 

Ce n’était pas le but, mais si c’est le cas, j’en suis ravi. A ceux qui me disent que j’essaye de faire aimer l’opéra à des jeunes, je leur réponds : il y a un âge pour tout ! Si vous demandez à un homme de 60 ans d’aller à un concert des One Direction, il n’en aura aucune envie. Il y a une musique pour chaque âge. Quand on vieillit, et qu’on gagne en maturité, on finit par arriver à l’opéra parce que c’est le summum.

Quels projets vous font encore avancer ? Seriez-vous tenté de mettre en scène un opéra, ou diriger un orchestre ?

 

J’ai toujours été intéressé par la direction d’orchestre. Il m’arrive même parfois de donner des conseils aux chefs avec qui je travaille ! Un jour, alors que nous répétions avec Claudio Abbado, une entrée de chœur, de chanteur puis d’orchestre ne fonctionnait pas bien. Au bout d’une douzaine de tentatives infructueuses, Abbado m’a donné la baguette… et ça a fonctionné ! Je suis également attiré par la mise en scène, il m’est arrivé d’en faire avec mes frères. Mais ce qui me tente le plus serait de créer un spectacle à part entière.

Roberto Alagna est Don José dans Carmen, au Metropolitan Opera à New York, les 6, 9, 13, 19, 23 et 26 février.

Billets et informations : www.metopera.org/opera/carmen-bizet-tickets

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