Ross Gould, votre bouteille à la mer est arrivée en Bretagne !

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Alain Le Fur et ses deux petits enfants cherchaient des coquillages. Le 23 décembre dernier, le trio venait de terminer un château de sable sur la plage de Locmiquel, sur la commune de Baden dans le Morbihan, lorsqu’ils se mirent en quête de coquillages et de bois flotté pour décorer leur construction. Les yeux rivés sur le sable humide, ils se promènent le long de l’estran. Soudain, « une sorte de bouteille de bière » attire l’attention d’Alain Le Fur. Il se penche et ramasse le flacon de verre ambré, scellé d’une capsule métallique. Ce qui ressemble à un petit ballot de papier repose à l’intérieur.

Le lendemain, jour du réveillon de Noël, la famille Le Fur ouvre la bouteille. Un morceau de papier blanc, ligné de bleu pâle, probablement arraché à un carnet, à été plié en quatre et soigneusement emballé dans un mouchoir en papier. Bien que « légèrement humide », le morceau de papier est indemne : trois lignes de texte sont lisibles, tracées d’une main rapide à l’encre bleue, devenue rose avec le temps.

Ross Gould
Date June 13-2014
Tele # 861-2760

L’émetteur de la bouteille, Ross Gould, est vraisemblablement anglophone. Mais d’où vient-il exactement ?

La date, écrite avec le mois (« June ») avant le jour (« 13″), ainsi que le signe « # », utilisé pour indiquer un numéro de téléphone, sont conformes aux usages américains. Alain Le Fur élimine lui aussi l’hypothèse d’une bouteille envoyée depuis les îles britanniques. « Je ne vois pas comment la bouteille serait sortie de la Manche » pour passer dans l’Atlantique, explique-t-il. « Cela me paraît plus logique que la bouteille soit partie d’une latitude similaire à la nôtre. »

8000 kilomètres en dix-huit mois

Si la bouteille est partie des Etats-Unis, elle a donc été portée par le Gulf Stream, un courant océanique qui se forme entre la Floride et les Bahamas, remonte le long de la côte Est des Etats-Unis puis vire vers l’Europe. Une fois dans le Gulf Stream, donc, la bouteille à traversé l’Océan Atlantique à une vitesse moyenne de 1,6 kilomètre par heure jusqu’au large du Groenland. A ce moment, le courant se divise : la Dérive nord-atlantique continue vers le nord dans la mer de Norvège et le Courant des Açores file vers le sud en direction des îles du Cap-Vert avant de repartir vers les Caraïbes. « Arrivée à cette bifurcation, la bouteille n’est partie ni vers le nord, ni vers le sud », explique Rick Lumpkin, l’océanographe en charge du Global Drifter Program, un organisme qui étudie les courants marins au moyen de bouées dérivantes. « Elle est sortie du Gulf Stream pour continuer à dériver vers l’est, probablement poussée par le vent et les marées. »

Il semble ensuite probable qu’une grande marée montante, comme c’était le cas le 23 décembre, ait pu attirer la bouteille de verre au-delà de la Baie de Quiberon et jusque dans le Golfe du Morbihan. La plage où à été trouvée la bouteille, l’anse de Locmiquel, forme une sorte de panier, ouvert face à l’entrée du golfe, où il est fréquent de trouver des détritus apportés par le vent et les courants.

Pensant peut-être que sa bouteille n’irait jamais aussi loin, Ross Gould n’a pas jugé utile d’inscrire son adresse ni son numéro de téléphone complet sur le message : les trois premiers chiffres du numéro de téléphone, l’indicatif téléphonique (ou area code), sont manquants.

Selon l’océanographe Rick Lumpkin, « la bouteille aurait pu être envoyée depuis n’importe où sur la côte est des Etats-Unis ». A supposer que Ross Gould est bel et bien Américain et qu’il habite au bord de l’océan, son numéro de téléphone doit donc commencer par l’un des 54 area codes recensés entre le Maine et l’extrémité sud de la Floride—et des 29 recensés sur les côtes du Golfe du Mexique, également une possibilité.

Si, ensuite, Ross Gould habite ailleurs que sur la côte Atlantique et a profité d’un voyage pour envoyer une bouteille à la mer, le nombre d’indicatifs téléphoniques possibles passe alors à près de 300.

Jetée nonchalamment au creux d’une vague il y a 18 mois et quelques 8000 kilomètres, la bouteille de Ross Gould est arrivée à bon port mais conserve ses mystères. Toutefois, promet Alain Le Fur depuis le Morbihan, « si vous retrouvez l’émetteur de la bouteille, je la lui remettrai en main propre ! »