Sur le chemin de l’école (On my Way to School) où l’histoire d’enfants redoublant de courage pour se rendre à l’école, avait connu un succès populaire inattendu en France et remporté le César du meilleur documentaire en 2012. A l’occasion de la sortie du film aux Etats-Unis, France-Amérique a rencontré à New York son réalisateur Pascal Plisson, réalisateur de nombreux reportages pour Discovery Channel et National Geographic.
Ce film retrace le périple à haut risque d’enfants qui parcourent plusieurs kilomètres pour se rendre à l’école avec l’espoir que leur instruction leur permettra d’améliorer leur vie. Jackson, 11 ans, vit au Kenya et parcourt matin et soir quinze kilomètres avec sa petite sœur au milieu de la savane et des animaux sauvages. Zahira, 12 ans, doit, elle, parcourir 22 kilomètres tous les lundis matin, dans les montagnes escarpées de l’Atlas marocain, pour rejoindre son internat avec ses deux amies. Tout aussi rocambolesque, l’histoire de Samuel, un Indien de 13 ans, qui n’a pas l’usage de ses jambes. Alors tous les jours, ses deux jeunes frères poussent pendant plus d’une heure son fauteuil roulant bricolé jusqu’à l’école. Enfin, c’est à cheval que Carlito, 11 ans, traverse les plaines de Patagonie sur plus de dix-huit kilomètres. Emmenant sa petite sœur avec lui, il accomplit cet exploit deux fois par jour, quel que soit le temps…
France-Amérique : Quelle est la différence entre la réalisation d’un reportage pour la télévision et un documentaire pour le cinéma sur un même sujet ?
Il n’y a pas la même écriture. Pour ce documentaire, je voulais de la poésie, pas de l’information. La caméra est seulement observatrice d’enfants qui vont à l’école dans des conditions particulières. Si j’avais traité le sujet pour Discovery Channel, il y aurait eu un propos politique. Mais avec ce documentaire, on est plus dans un film d’aventures, une odyssée.
Est-ce une des raisons pour lesquelles il n’y a pas de voix off ?
Au départ, il devait y en avoir une. Mais lorsque l’on a récupéré les images et qu’on a fait traduire ce que disaient les enfants, je me suis battu pour ne pas mettre de voix off. Tout le monde voulait un conteur qui parle à leur place, mais je trouvais dommage de se priver de la poésie de ces enfants et de leur message. Quand on voit Jackson au Kenya ou les petits Indiens, on comprend tout de suite leur situation. Ce n’est pas forcément utile de mettre un point de vue occidental sur une histoire comme celle-là. Pas la peine d’en faire trop, de les plaindre, de décrire ce qu’on voit à l’image.
Comment fait-on justement pour éviter le misérabilisme lorsque l’on filme ces histoires ?
Grâce à l’optimisme, naturel, de ces enfants. Je ne leur ai pas demandé de sourire, de plaisanter. Je les ai choisis parce qu’ils avaient un charisme particulier, une histoire étonnante. Et c’est en faisant connaissance un peu mieux que je me suis rendu compte de leur environnement périlleux et de cette envie d’aller à l’école toujours avec le sourire.
Comment avez-vous « trouvé » ces enfants ?
On a enquêté dans le monde entier. Comme le producteur et moi-même avons beaucoup voyagé, on a demandé aux gens que l’on connaissait de chercher des histoires, en Australie, au Cambodge, en Chine, au Botswana, etc. Ils nous ont envoyé des photos et une fiche avec le trajet pour aller à l’école, et une description de la famille des enfants. Une ONG Aide et action – qui fait un gros travail pour convaincre les familles dans l’Atlas de laisser aller leurs filles à l’école –, nous ont aussi aidé pour trouver la petite Zahira au Maroc.
Est-ce que les enfants que vous avez rencontré se rendent compte de leur situation pas banale et de leur courage incroyable ?
Non, car ils n’ont pas une vision globale de l’univers qui les entoure. Ils connaissent leur vallée, leur chemin, leurs animaux. Ils n’ont pas la télévision, la radio. Ils n’ont pas l’impression de faire quelque chose d’héroïque. Je leur ai montré quelques images de l’éducation en France mais ça reste très abstrait pour eux.
Etes-vous toujours en contact avec ces enfants ?
Bien sûr. Je suis par exemple allé montrer le film dans l’école de Jackson au Kenya, le petit Carlito (Argentine) est venu en Espagne pour l’avant-première du film. Et puis, je ne pouvais pas les laisser où ils étaient et partir pour toujours. Pour Jackson et sa sœur (Kenya), et pour les trois Indiens, on leur a trouvé des parrains qui vont les aider pour leur scolarité. Au Kenya, notre tournage avait créé des jalousies dans la région du fait qu’on s’intéressait à Jackson. On ne pouvait pas le laisser là où il était. Aujourd’hui, avec sa sœur, ils sont dans un internat, pas trop loin de chez eux. Ça a changé leur vie parce que le niveau scolaire est plus élévé dans cette nouvelle école. Et puis ils ont un lit, l’eau courante, trois repas par jour, un uniforme. Pour le petit Carlito, en Argentine, et Zahira au Maroc, on a créé une association pour prendre en charge leur éducation. J’ai fait des rencontres incroyables avec ces enfants. Je ne pourrais jamais les oublier.
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