Vent de folie sur les relations franco-américaines

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Donald Trump scandalise la France. Le président américain déplore la disparition du Paris éternel et ses policiers arrêtent les chercheurs français à la frontière.

Tout commence avec une exhortation de Donald Trump qui dissuade les Américains de visiter la France. « Son ami Jim », qui n’existe probablement pas, lui aurait dit qu’il n’allait plus à Paris parce que « Paris n’était plus Paris ». Le message relève des préjugés ordinaires. Le Paris rêvé de Jim (alias Donald) serait peuplé de vrais Français « de souche » — comme on dit au Front national pour éviter de dire blanc — portant béret, moustache et baguette. Ce Paris éternel, bien ancré chez les Américains qui ne connaissent pas la France, est représenté au cinéma par Woody Allen qui reconnaît volontiers ne fréquenter que deux arrondissements, le VIIIe et le XVIe. C’est aussi le Paris fantasmé que racontent des écrivaines légères comme Pamela Druckerman (Bringing up Bébé) et Mireille Guiliano (French Women Don’t Get Fat). Visiblement, ces auteurs ne s’aventurent pas dans le nord ni dans l’est de la capitale, désormais aussi cosmopolites que New York.

J’ai le souvenir de la projection, à Manhattan, du film de Laurent Cantet Entre les murs (The Class), qui raconte l’histoire vraie d’un professeur de philosophie dans un lycée parisien du XXe arrondissement. Une part importante de ses élèves viennent d’Afrique et sont mal à l’aise avec la langue française et le vocabulaire de Descartes. Des spectateurs américains me demandèrent si ce film se passait vraiment à Paris. Comme je leur confirmais, ils s’exclamèrent : « Mais alors, c’est comme le Bronx ! » Jim était peut-être dans la salle. Paris est devenue une ville mondialisée et cosmopolite, ce qui la rend d’autant plus vivante et moins folklorique. On aura compris que Jim — comme Donald et comme certains Français — n’aime pas les immigrants de couleur qui perturbent ses fantasmes.

Tout ceci devient grave avec les mésaventures d’Henry. Historien français de l’Holocauste reconnu dans nos deux pays, Henry Rousso était invité par l’université Texas A&M pour un colloque lorsqu’il a été retenu à l’aéroport de Houston le 22 février dernier. Les services de l’immigration ont bloqué pendant dix heures son entrée sur le territoire américain. Le prétexte : Henry Rousso n’avait qu’un visa de touriste, alors qu’il venait prononcer une conférence. Il lui aurait fallu un visa de travail. Argument juridiquement faux et qui aurait pour effet de bloquer tout échange universitaire et tout congrès entre Français et Américains. Il fallut qu’interviennent le président de l’université et des avocats pour libérer Henry Rousso. Les services de l’immigration attribuèrent la faute à « l’inexpérience » d’un douanier.

C’est le lieu de naissance d’Henry Rousso, le Caire, qui a déclenché son interrogatoire. « Comment pouvait-il être français et né au Caire à la fois ? » Le cas d’Henry Rousso n’est pas isolé : le vice-président du laboratoire pharmaceutique Novartis a récemment été interpellé à l’aéroport Kennedy de New York et a dû expliquer pourquoi il était français et né en Algérie. Donald et Jim devraient apprendre que l’on peut être français né ailleurs — et noir et arabe de surcroît. A moins que Donald et Jim ne préfèrent les « faits alternatifs » à la vérité.

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