Des descendants de victimes de l’Holocauste ont lancé jeudi une action de groupe aux Etats-Unis contre les chemins de fer français (SNCF) pour avoir « saisi, et de concert avec les Nazis, aidé, encouragé et conspiré » à saisir les biens de dizaines de milliers de personnes transportées vers les camps nazis, selon des documents du tribunal de Chicago.
Cette action en nom collectif estime que les saisies effectuées par la SNCF lors des déportations « font partie intégrante du génocide contre les Juifs ». « Agissant en toute connaissance de cause, la SNCF a été complice du génocide », ajoutent les documents. Sollicitée en France et aux Etats-Unis, la SNCF a indiqué qu’elle ne faisait « aucun commentaire sur cette plainte aux Etats-Unis et n’a pas d’élément supplémentaire à fournir ».
La plainte demande réparation, pour un montant non indiqué, pour la confiscation et la vente des biens emportés par les déportés qui étaient autorisés à prendre une valise, celle-ci leur étant confisquée une fois à bord des trains. Ces effets étaient vendus directement par la SNCF, vendus aux Nazis ou échangés contre d’autres biens par la SNCF qui a également facturé aux Nazis des billets de train de troisième classe alors que les déportés étaient entassés dans des wagons à bestiaux, accuse la plainte.
Cette action en justice intervient quatre mois après un accord conclu entre les Etats-Unis et la France portant sur la création d’un fonds d’indemnisation de 60 millions de dollars versés aux autorités américaines. Ce fonds, doté par la France, a pour but de dédommager les milliers de déportés non français, conjoints ou descendants, qui n’étaient pas couverts par les dispositifs mis en place par la Francedepuis 1946.
« Crimes contre l’Humanité »
« Cet accord est un bon premier pas, mais ce n’est qu’un premier pas. Trop de gens sont exclus de cet accord. Son champ de couverture est très limité », a affirmé l’avocat des plaignants Steven Blonder, du cabinet Much Shelist de Chicago. Et même s’il était ratifié par le Parlement français, comme il faut qu’il le soit encore, « il ne concerne pas la SNCF », a ajouté l’avocat. Or, « nous voulons que la SNCF soit tenue responsable et fasse les réparations adéquates », dit M. Blonder qui estime à des « milliers » le nombre de plaignants potentiels supplémentaires. Mais « si le gouvernement français veut modifier l’accord, il en est encore temps », dit-il.
Les deux pays s’étaient entendu au terme de longues discussions après que des élus de New York, de Californie ou du Maryland avaient menacé de priver de contrats la SNCF si elle n’indemnisait pas les victimes des déportations. En contrepartie, les Etats-Unis s’étaient engagés à défendre la France contre toute nouvelle action de nature judiciaire.
Si le fait que la SNCF est une entreprise publique française est invoqué, « nous répondrons à cela devant la cour », dit l’avocat, insistant sur le fait que l’entreprise française « fait des affaires dans l’Illinois ». Cette action de groupe a été lancée symboliquement le jour de la journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste. « La SNCF a commis, a conspiré pour commettre, aidé et encouragé d’autres à commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité », est-il écrit dans les documents du tribunal.
Les biens personnels saisis se composaient d’argent liquide, de titres financiers, d’or et d’argent, de bijoux, d’oeuvres d’art, d’instruments de musique, et de vêtements « soustraits de manière illégale, abusive et forcée à la propriété ou au contrôle (des) individu(s) pendant la déportation ». La principale plaignante, Karen Scalin, est une habitante de Chicago dont les grand-parents ont été transportés par la SNCF de France au camp d’Auschwitz, en Pologne, où ils sont morts en novembre 1942.
Les deux autres plaignants nommés, Josiane Piquard et Roland Cherrier, sont Français et résident en France. Des membres de leurs familles sont morts à Auschwitz. Ils maintiennent également que le délai de prescription n’a pas expiré, bien que les faits se soient déroulés il y près de 75 ans, la SNCF n’ayant ouvert certaines de ses archives au public qu’en 2012.