On apprend, la même semaine, que le meilleur camembert du monde est québécois et qu’il se vend en France plus de hamburgers que de sandwiches jambon-beurre.
Si on s’en fie à un concours de fromages organisé dans le Wisconsin par l’association des fromagers locaux, le meilleur camembert au monde serait l’Extra, produit à Saint-Hyacinthe au Québec. Le résultat, bien que repris par les agences de presse et les médias, laisse perplexe : comment un camembert peut-il être authentique s’il est fabriqué si loin de sa Normandie natale ? Le choix est d’autant plus surprenant que l’Extra est fabriqué à partir de lait pasteurisé, une hérésie qui interdit au fromage de « murir ». Soyons beau joueur et voyons dans ce cousin québécois un hommage au Camembert d’origine.
Or, il se trouve que, la même semaine, la gastronomie française est attaquée sur un second front. Selon une société d’étude parisienne, Gira Conseil, les Français auraient, en 2017, pour la première fois, consommé plus de hamburgers que de sandwiches jambon-beurre. Pire encore, les deux tiers de ces hamburgers auraient été vendus dans des restaurants, servis à table, et pas dans la restauration rapide de type McDonald’s. Devrait-on là aussi s’en inquiéter ?
Beau joueur de nouveau, reconnaissons que si les hamburgers ne sont pas toujours excellents, les sandwiches sont devenus généralement mauvais. Les Français ne font que sanctionner la dégénérescence de la baguette industrielle, du beurre pasteurisé et du jambon reconstitué. Tandis qu’un hamburger et ses frites ressemblent à peu près à ce qu’ils prétendent être. La chute du sandwich est moins le triomphe de la malbouffe américaine que le signe du déclin de la culture nationale du bistro.
Le bistro se meurt ? Oui, parce qu’il a été assassiné par le poids des impôts et des charges sociales. Le hamburger se porte bien parce que ses producteurs ont industrialisé le procédé de manière à s’accommoder des exigences de l’Etat français. N’est-il pas ironique que le fisc français soit parvenu à tuer le jambon-beurre et à le remplacer par le hamburger ? Mais telle est bien la vérité économique derrière cette substitution gastronomique.
On se consolera en commandant, dans l’un des 1 400 McDo français, un McCamembert, le meilleur des deux mondes, à moins que ce ne soit le pire des deux mondes selon que l’on aime la mondialisation ou qu’on la rejette.