Le traité de libre-échange qui doit être signé ce 27 octobre entre l’Union Européenne et le Canada échouera probablement. Certains commentateurs perçoivent dans ce refus de négocier un mouvement plus général de démondialisation.
Le gouvernement français, cédant à la pression de l’extrême-gauche et de l’extrême-droite antimondialistes, s’opposait en septembre dernier à la ratification du TAFTA, un traité de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis. Aux Etats-Unis, Hillary Clinton et Donald Trump font tous deux campagne — à des degrés d’intensité différente — contre un traité de libre-échange avec l’Asie, le TPP. Donald Trump, évidemment excessif, annonce qu’il annulera d’un trait de plume l’ALENA, l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique.
Dans ce mouvement de rétractation nationale qui affecte l’Occident mais pas l’Asie, ni l’Amérique latine ou l’Afrique, comment faire le partage entre la démagogie et l’ignorance ? En France comme aux Etats-Unis, le refus de la mondialisation est clairement un argument de campagne électorale. Mais pourquoi, alors, une partie de la population se rallie-t-elle derrière la mondialisation ? La raison est bien connue des économistes : le progrès qu’apporte le libre échange — les économistes sont unanimes sur cet avantage — est global. Avec le progrès scientifique, il est le principal facteur de croissance mondiale depuis deux siècles.
Pour faire court, toute nation isolée reste pauvre et toute nation ouverte s’enrichit. Ce qui implique que certains pays ou certains individus, à un moment donné, profitent de la mondialisation plus que d’autres. La science économique est efficace, elle n’est ni morale, ni égalitaire. Il est donc aisé, par la focalisation médiatique et politique, de mettre en exergue les « victimes » supposées de la mondialisation et de ne pas en montrer les bénéficiaires diffus. Le discours antimondialiste est fondé sur cette asymétrie.
Conséquence de ces refus de négocier, devrait-on craindre un effet domino et un effondrement du commerce international ? L’effet quasi instantané serait une baisse massive de la croissance et une hausse spectaculaire des prix à la consommation. Imagine-t-on un ordinateur ou un téléphone portable hors mondialisation ? Je ne doute pas que, tôt ou tard, les consommateurs réagiront contre les lobbies antimondialistes. Mais il reste aux gouvernants d’adapter au plus vite les politiques sociales aux effets de la mondialisation.
Actuellement, les aides sont saupoudrées indistinctement. Les politiques dites « industrielles » volent toujours au secours des entreprises archaïques menacées par la mondialisation, alors qu’il faudrait aider les entrepreneurs et les salariés à se reconvertir. Les économistes, lorsqu’ils s’expriment sur la place publique, pourraient quant à eux se défaire de leurs universités et, dans un langage clair, faire progresser la connaissance de l’économie réelle. Trop souvent, ceux qui parlent d’économie sont des commentateurs pétris d’idéologie politique et non des savants.
Il ne s’agit pas là de vœux pieux ou de vagues recommandations, mais d’une alerte au feu. Comme le Brexit l’a prouvé, il est aisé de détruire les acquis de la mondialisation. C’est alors toute une affaire de restaurer l’échange qui nous fait tant progresser.