La France et les Etats-Unis convergent pour le pire en termes de violence urbaine. Les affrontements entre la police et les jeunes issus de minorités — afro-américains et hispaniques en Amérique, arabes et africains en France — obéissent au même scénario dans les deux pays mais l’attitude des gouvernements diverge.
Le décor de cette violence — les « banlieues » en France, les « projects » aux Etats-Unis —, génère un même esprit de bande, les mêmes trafics de drogue, le même manque d’éducation et un rejet comparable des normes de la vie en société. Dans les deux cas, les gouvernements sont désemparés et les policiers extrêmement violents, faute d’expérience et de directives. Tout ceci est mieux connu aux Etats-Unis qu’en France. Les statistiques ethniques étant interdites en France, on est supposé ne pas savoir quelle est l’origine des jeunes délinquants. Cette ignorance feinte oblige à parler des « jeunes » en général. A ne pas poser les questions, comment y répondrait-on ? Aux Etats-Unis, la réponse certes imparfaite, mais qui a le mérite d’exister, s’appelle affirmative action, bizarrement traduit en français par discrimination positive. Parce qu’il est biaisé, ce vocabulaire interdit d’emblée tout débat.
Confronté aux violences raciales, le gouvernement français fait l’autruche. Le 22 janvier dernier, quatre policiers blancs étaient accusés de violer un jeune homme noir à Aulnay-sous-Bois, en région parisienne. Il y a quelques jours, le tribunal correctionnel de Bobigny, aussi en région parisienne, a requis la condamnation d’un policier pour le viol d’un jeune homme en 2015. Jusqu’alors, le sujet des violences policières et des agressions sexuelles par la police n’était en France jamais abordé. Des deux côtés de l’Atlantique, il serait temps de reconnaître que la violence est réciproque et qu’il convient de contenir la violence des « jeunes » autant que celle des policiers. Equiper les policiers de caméras, à l’américaine, est certainement une ébauche de solution, de même que l’affirmative action en est une autre.
Pas plus aux Etats-Unis qu’en France on ne connaît de remède définitif aux violences urbaines. Mais peut-être parvient-on à mieux nommer les choses aux Etats-Unis qu’en France, où le vocabulaire est aseptisé et la question sociale dissoute dans des théories marxistes. J’observe, enfin, à quelques semaines de l’élection présidentielle française, qu’aucun candidat n’aborde le sujet. Sans doute parce qu’il s’agit, comme on le dit aux Etats-Unis, du « troisième rail » de la politique : le premier qui y touche est mort. Une veulerie qui promet plus de violences encore.