Nostalgique de l’apartheid, le tueur présumé de Charleston incarcéré

Coupe au bol et regard fixe, Dylann Roof, 21 ans, décrit comme un solitaire nostalgique de l’apartheid prêt à la « guerre raciale », s’est vu signifier vendredi son maintien en détention pour le massacre de neuf personnes dans une église fréquentée par des Noirs à Charleston.

En uniforme rayé de prisonnier, le jeune homme a comparu par écran interposé à 14H15 locales (18H15 GMT) devant une cour de Charleston pour une audience de pure forme sur son incarcération, à laquelle assistaient des familles de victimes. Certaines d’entre elles, des sanglots dans la voix, ont évoqué leurs proches tout en affirmant « pardonner » au jeune homme. « Repentez-vous, confessez-vous à celui qui compte le plus, le Christ », a ainsi indiqué Anthony Thompson, dont l’épouse Myra, 59 ans, a été tuée. Le jeune homme, resté impassible, avait auparavant été inculpé pour l’assassinat de neuf personnes et pour « détention d’arme à feu dans le cadre d’un crime violent ».

Dans une déclaration préliminaire qui commençait à susciter la polémique, le juge a déploré les neuf victimes d’une communauté « forte et au grand coeur » à Charleston, ajoutant « qu’il y a aussi des victimes de l’autre côté, du côté de la famille du jeune homme ». Arrêté jeudi, Dylann Roof a reconnu devant la police être l’auteur de la pire tuerie raciste aux Etats-Unis depuis des décennies, en ouvrant le feu avec un pistolet automatique mercredi soir lors d’une soirée de lecture biblique à l’Emanuel African Methodist Episcopal Church, la plus vieille église de la communauté noire de la ville.

Le pasteur de la paroisse, Clementa Pinckney, élu démocrate du Sénat local, a été tué ainsi que deux autres hommes et six femmes, âgés de 26 à 87 ans. Dylann Roofavait passé une heure avec les victimes et selon NBC News citant des sources anonymes, il aurait hésité avant de passer à l’acte parce que « tout le monde était tellement gentil avec lui ».

Une survivante, Sylvia Johnson, a rapporté à CNN les propos lancés à l’une de ses victimes qui tentait de le raisonner: « Vous avez violé nos femmes, et vous prenez le contrôle du pays. Je dois faire ce que j’ai à faire », a-t-il dit selon Mme Johnson. Il a déclaré ensuite aux policiers qui l’interrogeaient qu’il voulait « déclarer une guerre raciale », selon la chaîne citant une source policière anonyme.

« Crime raciste »

Les détails de la vie du jeune homme au regard clair et fixe, affublé d’une coupe au bol lui donnant un visage de petit garçon, émergeaient peu à peu. Vivant dans une petite ville rurale, le jeune homme avait quitté l’école au niveau de la 3e et traînait, solitaire et apparemment sans faire de vagues, malgré quelques peccadilles, selon le Washington Post. Mais c’est son apparente nostalgie de l’apartheid qui donnait de premières explications à son geste.

Sur son profil Facebook, Dylann Roof apparaît vêtu d’un blouson où sont cousus l’ancien drapeau de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid, symbole du régime ségrégationniste, et de la Rhodésie (devenue Zimbabwe), des régimes admirés par les groupuscules promouvant la suprématie des Blancs. Selon un de ses amis, Joey Meek, à ABC News, Dylan Roof « était obsédé par la ségrégation » et ruminait son coup, selon ce qu’il lui avait dit, depuis six mois, et « voulait faire quelque chose de spectaculaire (…) qui relance la guerre raciale ».

Un autre, Dalton Tyler, 21 ans, a expliqué à ABC News que Dylann Roof voulait un retour à la ségrégation et « provoquer une guerre civile ». Vendredi, Nikki Haley, la gouverneure républicaine de Caroline du Sud, a affirmé que Dylann Roof méritait la peine de mort, toujours en vigueur dans l’Etat. « C’est un crime raciste par excellence », a-t-elle dit à la chaîne NBC. « Nous voulons absolument qu’il soit condamné à mort ». Cornell Brooks, le président de la NAACP, organisation historique de défense des Noirs, a fustigé ce « qui n’est pas qu’un massacre de masse, pas que de la violence par les armes, mais aussi un crime de haine raciale ».

Il a par ailleurs demandé que soit mis à bas le drapeau confédéré, « emblème de haine » et du sud esclavagiste, qui flotte toujours sur une esplanade devant le parlement de Caroline du sud. L’horreur du crime de l’église et le symbolisme du lieu ont profondément marqué le pays et bouleversé Charleston, ville historique et touristique.

C’est un nouveau coup dur pour la communauté noire éprouvée depuis l’été dernier par la mort de plusieurs hommes noirs désarmés tués par des policiers blancs. Ironie du sort, les médias locaux ont rapporté que le suspect se trouvait dans une geôle voisine d’un policier blanc qui avait fait les gros titres des journaux après avoir abattu dans le dos un homme noir le 4 avril dernier.