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Orelsan, le « Eminem d’Alençon » au cœur d’une polémique en France

Aurélien Cotentin, alias Orelsan, est le dernier enfant terrible du rap français. Son concert prévu samedi au Printemps de Bourges a failli être annulé à la suite de la polémique provoquée par l'un de ses morceaux datant de 2007. Son premier album, Perdu d’avance, disponible depuis février, fait quant à lui fureur dans l'Hexagone.
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Orelsan vient de Basse-Normandie et assume pleinement sa différence sur l’échiquier du rap français. Si son premier album, Perdu d’avance, est disponible depuis février, c’est sa chanson « Sale pute », datant de 2007, qui a créé la polémique en France ces dernières semaines. Pour certains, il incarne une génération incomprise et en manque de repères, pour d’autres il incite simplement à la violence gratuite. France-Amérique a joint par téléphone l’artiste, qui a vécu un an aux Etats-Unis, pour une interview-vérité.


France-Amérique
: Votre chanson « Sale pute » a provoqué la colère de blogueurs et vous a valu l’indignation de la classe politique française. Valérie Létard, secrétaire d’État, pense proposer une loi contre les insultes sexistes. Comment vivez-vous cette polémique ?

Orelsan : Avec frustration. Je n’ai pas d’autre choix que celui de me défendre et de sans cesse répéter qu’il s’agit d’une œuvre de fiction. Le but du morceau était de symboliser en texte et image la manière dont un être humain peut passer, en une fraction de seconde, de l’amour à la haine. Il ne s’agit en rien d’une incitation à la violence envers les femmes et encore moins d’une opinion personnelle. J’aurais aussi très bien pu aborder le sujet sous un angle féminin. Le clip a fait réagir, je pense, des gens qui ne semblent pas aller sur Internet ou qui ne savent pas ce qu’on y trouve réellement. Les paroles de ma chanson ne sont en rien comparables aux images de l’exécution de Sadam Hussein. Elles sont disponibles 24 heures/24, en libre accès sur le web. C’est insensé !

Votre « personnage » envisage tout de même divers sévices conjugaux envers sa petite amie adultère. Comprenez-vous l’indignation des mouvements féministes qui jugent vos textes dégradants et outranciers ?

Je me doutais bien que ça titillerait certaines personnes, mais je n’ai jamais pensé que cette vieille chanson serait à la base d’une affaire d’Etat. Je suis stupéfait et regrette ce malentendu inutile, qui me vaut des annulations de concerts. Pour tout vous dire, ça a débuté lorsqu’une association de blogueuses s’est aperçue que j’étais programmé au festival du Printemps de Bourges. Elles ont cru que j’allais y interpréter le morceau, alors qu’en vérité je ne l’exploite plus sur scène depuis belle lurette. Mieux, il n’apparaît pas sur mon album. Un simple coup de fil à ma maison de disque leur aurait suffit pour le savoir. Tout le monde m’attaque et y va de son petit commentaire. Il est facile de prendre des phrases sorties de leurs contextes et d’ensuite s’ériger en avocat défenseur de la morale et de la bienséance.

Certains médias français vous comparent au rappeur américain Eminem. L’appellation white trash correspond-elle à votre univers musical ?

Non, le mouvement white trash est très éloigné de ma réalité et je n’aime pas cette appellation. Elle ne fait pas partie de mon vocabulaire. La comparaison avec Eminem est flatteuse, mais il y a d’énormes différences dans nos vies, même s’il est vrai qu’on peut trouver des similitudes artistiques. Par exemple, le fait d’user d’humour, d’ironie et de dérision pour décrire une génération sans but précis, qui boit, fume et fait des conneries. Une génération sans tabous dont les vieux ne comprennent pas les codes.

Votre premier opus s’appelle Perdu d’avance. Pragmatisme ou pessimisme ?

Un peu des deux en fait. J’ai choisi ce titre parce que pendant longtemps je n’assumais pas trop le fait de faire du rap, et aussi parce que je ne savais tout simplement pas quel concept mettre en avant. D’un côté on se dit que l’avenir est sombre, qu’on n’ira nulle part et que ça ne sert à rien. Mais de l’autre, sachant que c’est « perdu d’avance », il nous faut en réalité nous surpasser et aller de l’avant.

Vous avez vécu au début des années 2000 aux Etats-Unis durant un an. Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience ?

Beaucoup de bons souvenirs. J’ai vécu sur la baie de Tampa, en Floride. Cela m’a permis de m’imprégner du style de vie, très différent de celui que nous menons en France. Parallèlement à la fac, je bossais chez Chick-fil-A, une chaîne de restauration rapide. C’était durant le French bashing, à l’époque de la guerre en Irak et des mouvements anti-français. Certains Américains boycottaient les produits de chez nous, déversaient nos vins dans les rues et avaient renommé les French fries [les frites] les liberty fries… Du grand n’importe quoi ! Je garde une mauvaise image des transports en commun américains. Dans le Sud, contrairement à New York, pour se déplacer c’est la voiture ou rien du tout. Vu que je n’en avais pas, j’ai pas mal galéré et tourné en rond, sachant que le premier Walmart se trouvait à dix kilomètres et que les belles plages de Floride étaient à une heure de marche de mon domicile.

Avez-vous quelques anecdotes sur votre séjour ?

La chanson « 50 pourcents » qui figure sur mon album est une histoire vraie. A l’époque je sortais avec une Américaine originaire de Trinidad. On se voyait pendant la semaine et elle passait le week-end avec son autre petit ami. Après trois mois, elle me dit qu’elle souhaitait qu’on coupe les ponts, n’assumant plus de tromper son mec. Quelques mois plus tard, elle réapparaît m’avouant avoir menti sur les raisons de notre séparation. Elle était enceinte et avait décidé de garder l’enfant, sans connaître avec certitude l’identité du père… L’autre anecdote est plus marrante. Je savais qu’il était interdit de consommer de l’alcool avant 21 ans, mais je pensais que c’était aussi bidon qu’en France, où personne ne respecte la législation à ce sujet. Je me baladais une fois dans la rue, une bière à la main. J’ai été arrêté et amené à comparaître devant un juge qui m’a donné une amende de 480 dollars, en plus des cours de prévention. J’étais loin de me douter que les Américains prenaient la chose aussi sérieusement !

En dehors de la région de Tampa, avez-vous eu l’occasion de visiter d’autres parties du pays ?

Pas vraiment. Je me souviens juste être descendu à Key West, une ville qui a accueilli les écrivains Ernest Hemingway et Tennessee Williams durant l’entre-deux-guerres. Je me suis également perdu dans l’immense Miami, dans un quartier cubain, où les gens se demandaient ce que je faisais là. A vrai dire, je ne connais que le sud des Etats-Unis.

Sur le titre « Peur de l’échec », qui clôture votre album, on retrouve Ron « Bumblefoot » Thal, le guitariste du groupe mythique Guns N’ Roses. Comment s’est déroulée cette collaboration ?

Avant de me lancer dans le rap, j’écoutais beaucoup de rock. Nirvana, Rage Against the Machine et bien sûr les Guns. J’aimais déjà le travail de Slash, avant que Ron Thal ne rejoigne le groupe. Je suis fan de solos de guitare et ce qui me plait chez Bumblefoot, c’est sa technique. Il est époustouflant. J’avais envie de finir l’album d’une façon majestueuse, étant donné les émotions que je partage sur le titre. Par chance, la personne qui distribue les disques de Ron Thal en France est un pote de Caen [à proximité d’Alençon, la ville d’où vient Orelsan]. Je lui ai donc envoyé un mail pour lui demander s’il accepterait de me faire un solo sur le morceau. Il s’est imprégné de mes paroles et de ma musique et une semaine plus tard, c’était dans la boîte. J’ai encore du mal à m’en remettre.