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Ymer&Malta, le studio héritier de Versailles

Depuis le règne de Louis XIV, les artisans français excellent dans le domaine des arts décoratifs. Après le faste de Versailles et le raffinement de l’Art déco, le studio parisien YMER&MALTA s’est imposé comme la nouvelle référence dans le mobilier, les luminaires et les objets d’art.
Valérie Maltaverne, cofondatrice et directrice artistique du studio parisien YMER&MALTA.

En à peine une dizaine d’années, elle a révolutionné l’univers du marbre, de la marqueterie et de la tapisserie d’art. A la tête de son studio-atelier situé dans le quartier des Batignolles, à Paris, Valérie Maltaverne est une personnalité lumineuse et charismatique. Venue du cinéma, cette femme énergique est tout entière impliquée dans le processus de création, depuis le dessin peaufiné pendant plus d’un an avec des signatures du design industriel jusqu’à la réalisation par les meilleurs artisans de France.

Chaque pièce nécessite des mois, voire des années, de travail patient et déterminé, comme ces lampes Galet, hommage au sculpteur américano-japonais Isamu Noguchi. « Il nous a fallu plus d’un an pour parvenir à innover et former des pièces en résine sans moule ni couture », témoigne la cofondatrice du studio YMER&MALTA. « C’est une première dans la création de luminaires en résine. » L’objet d’art et le design élégant sont bien là, résultats d’un équilibre entre patience et volonté d’initiative. « Il faut remonter à l’époque du studio de l’architecte et designer Eileen Gray, aux ensembliers décorateurs du début du XXe siècle, pour trouver cette façon de faire », explique Cloé Pitiot, conservatrice du musée des Arts décoratifs de Paris.

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Banc Forest, par YMER&MALTA/Sebastian Bergne.

Versailles avait ses ateliers au service du roi, YMER&MALTA œuvre de la même manière au service du patrimoine français. Si Valérie Maltaverne, faite chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2020, a choisi la discrétion et le bouche-à-oreille, ses pièces rares et précieuses sont déjà entrées dans les intérieurs raffinés, les collections privées et l’histoire des arts décoratifs. Numérotées et limitées à douze exemplaires, plusieurs ont été acquises par de grands musées français et étrangers – comme le bahut cloudInChest, par le musée des Arts Décoratifs de Paris, ou le banc fallenTree, entré dans les collections de la Villa Albertine aux Etats-Unis. Ses pièces ont également été présentées à New York au musée Cooper Hewitt et au Noguchi Museum. Parallèlement, le studio est régulièrement sollicité pour des créations de mobilier sur-mesure où s’expriment l’innovation et le goût français et où sont réinventés des savoir-faire historiques.

La tapisserie

Pendant des siècles, la manufacture creusoise d’Aubusson a créé des pièces décoratives ayant vocation à isoler ou séparer les espaces. Ses techniques de tissage artisanal n’avaient encore jamais trouvé de solution pour adapter la tapisserie sur le mobilier, autrement qu’en coussin décoratif. C’est la raison pour laquelle le directeur de la Cité internationale de la tapisserie a fait appel, en 2015, au studio YMER&MALTA : pour poursuivre l’histoire du tissage d’art et faire de cette tradition française un luxe quotidien et contemporain.

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Tabouret Le Troupeau, par YMER&MALTA/Lou Malta.

Pendant cinq ans, Valérie Maltaverne et les liciers aubussonnais ont multiplié les essais, fait, défait et refait inlassablement, inventé de nouveaux nœuds et entrepris une quête de textures et de couleurs jusqu’à parvenir au résultat attendu. Voici la tapisserie devenue mobilier ! De cette collaboration, sept pièces verront le jour, dont deux bancs : l’un au drapé couture, l’autre comme une immersion dans la forêt de Versailles au petit matin. Deux ours tissés s’invitent sur un cabinet à la puissance sauvage. La tapisserie côtoie le chêne brûlé sur une assise méditative et se fait tapis en imitant l’eau vive et glacée des Alpes. Pour la première fois de son histoire, elle prend du volume pour sculpter les lichens et les rochers d’un paysage polaire se reflétant sur une console. Prouesse ultime : YMER&MALTA a fait de la tapisserie un matériau porteur avec le tabouret Le Troupeau !

Le marbre

Autrefois destiné à l’architecture royale et aux sculptures des grands maîtres, le marbre s’imposait par sa monumentalité hiératique. YMER&MALTA a pris le parti inverse en créant une collection d’objets légers, diaphanes et mobiles. Pour relever ce défi, Valérie Maltaverne a travaillé avec les marbriers les plus talentueux pour affiner la matière sans rien perdre de sa résistance inaltérable. Patiemment et à force d’expérimentations, de nouvelles techniques ont vu le jour, transformant les blocs en feuilles translucides.

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Tabouret Void, par YMER&MALTA/A+A Cooren.

Dix objets sont créés, d’un luxe inouï, où le marbre noir ou blanc installe la sculpture de maître dans l’intérieur moderne. Les lampes sont d’une incroyable finesse et diffusent une lumière sophistiquée. Les étagères aériennes flottent gracieusement sur les murs et les coupes, parfois ajourées, sont d’une légèreté déconcertante. Raffinement absolu, le marbre se fait mobilier. Il est sculpté jusqu’à atteindre les formes pures et essentielles d’un tabouret ou d’un guéridon. En marbre blanc de Carrare ou noir de Marquina, chaque bloc est sélectionné en Italie par Valérie Maltaverne. La collection associe la rareté des matériaux précieux à l’assurance du goût français.

La marqueterie

En créant une collection de mobilier marqueté, le studio puisait dans les savoir-faire d’un des artisanats les plus réputés du patrimoine français pour lui offrir une éclatante renaissance auprès des designers contemporains. Ce sont des milliers de pièces de bois issues de dizaines d’essences précieuses qui ont été assemblées par des maîtres ébénistes sur des dessins modernes et originaux. Les surfaces couvertes de ces écailles soyeuses évoquent une maroquinerie de luxe : le mobilier se fait alors haute couture.

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Bahut cloudInChest, par YMER&MALTA/Benjamin Graindorge.

Le bahut cloudInChest s’expose comme un nuage de pixels mis en mouvement par les reflets de la lumière sur le bois. La table basse Black Snake Blues, noire et élégante, s’étire comme un python royal. Sur le banc Plane Tree, camouflé d’ébène blanc, de sycomore, de poirier et de citronnier, les écailles de bois créent un trouble visuel et dissimulent des tiroirs. Enfin, hommage virtuose à l’incontournable André-Charles Boulle, maître marqueteur à la cour de Louis XIV, la table basse Illusion en ébène est incrustée d’un sublime pavage de cuivre, de laiton, d’aluminium et d’étain. La marqueterie, cette « belle endormie », n’a pas dit son dernier mot !

 

Article publié dans le numéro d’octobre 2022 de France-Amérique. S’abonner au magazine.