Bon Appétit

Mon Chou Chou, un goût de France à San Antonio

Ouverte pendant la pandémie, la brasserie Mon Chou Chou propose une cuisine française élégante, inspirée par le terroir texan. Une recette gagnante, imaginée par trois amis expatriés de longue date.
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© John-Paul Garrigues

Le meilleur restaurant de San Antonio, au Texas, ne cuisine ni poulet frit, ni barbecue. C’est une brasserie française, qui semble tout droit téléportée des beaux quartiers d’une ville du Rhône ou du Sud-Ouest et dont la carte propose confit de canard, salade lyonnaise, moules marinières et assiette de charcuterie. Quelques mois après son ouverture, en mars 2021, la brasserie Mon Chou Chou a reçu cinq étoiles – la note la plus élevée – de la part du principal critique gastronomique de la ville, Mike Sutter, journaliste au San Antonio Express-News.

Loin des clichés du restaurant français chic et cher, Mon Chou Chou est une adresse abordable et décontractée, élégante mais pas snob. A l’extérieur, sa terrasse s’orne d’une rutilante Citroën 2 CV rouge et blanche surnommée « Choupette » et à table, le plat vedette est une demi-baguette sur laquelle le serveur fait couler du fromage à raclette. La décoration intérieure reprend, en les modernisant, les codes des brasseries Art déco : carrelage, larges banquettes, chaises cannées, grand comptoir adjacent à la cuisine. Ici, pas d’affiches de vieux alcools ou de photos d’Edith Piaf, ni de meubles artificiellement patinés. « Dans la salle comme dans l’assiette, nous essayons de raconter une histoire et on veut que cette histoire soit authentique », résume Jérôme Sérot, directeur de la stratégie et du développement du Southerleigh Hospitality Group, à l’origine de la brasserie.

Cette histoire, c’est d’abord celle d’une amitié de vingt ans entre trois vétérans de l’hôtellerie et de la restauration. Le chef, Laurent Réa, originaire de Strasbourg, est venu aux Etats-Unis pour cuisiner à Chefs de France, le restaurant de Paul Bocuse au Walt Disney World Resort d’Orlando. Le directeur des opérations, Philippe Placé, natif de Chartres, a dirigé plusieurs établissements au Texas après des débuts au Claridge’s à Londres et au Lutetia à Paris. Et Jérôme Sérot, le Lyonnais de la bande, est lui aussi arrivé aux Etats-Unis après avoir travaillé dans des hôtels de luxe à travers le monde. Ils se sont rencontrés à San Antonio, au début des années 2000.

La ville de Davy Crockett et de Tony Parker

Connue des Américains pour le site historique de Fort Alamo, haut lieu de la révolution texane, et des Français pour l’équipe de basket des Spurs, où Tony Parker a officié de 2001 à 2018, la deuxième plus grande ville du Texas – avec 1,4 millions d’habitants – accueille près de 30 millions de touristes par an, mais n’a jamais figuré sur la carte des destinations gastronomiques américaines. « C’est en train de changer et la scène locale des restaurants est en pleine expansion », estime Mike Sutter. « Elle me fait penser à Austin il y a dix ans, juste avant que la ville ne devienne un phénomène national. Il y a les bases pour que la même histoire arrive ici ! »

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Une Citroën 2 CV surnommée « Choupette » accueille les clients chez Mon Chou Chou. © John-Paul Garrigues
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Le French Pink Fairy, un cocktail maison avec du gin et de la liqueur de fraises des bois. © John-Paul Garrigues
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Les trois amis à l’origine de Mon Chou Chou : Jérôme Sérot, Laurent Réa et Philippe Placé. © John-Paul Garrigues
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« Notre sandwich raclette résume ce que nous voulons faire : une version française et de qualité de la comfort food américaine. » © John-Paul Garrigues
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Poire pochée au vin rouge et aux épices. © John-Paul Garrigues
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Mon Chou Chou reprend, en les modernisant, les codes des brasseries Art déco. © John-Paul Garrigues

La communauté française n’étant pas bien grande à San Antonio, Philippe, Laurent et Jérôme se sont souvent croisés et recroisés. « Nous avons tous les trois à peu près le même âge, avec vingt à trente ans d’expérience chacun dans la restauration », explique Philippe Placé. « Au fil du temps, nous avons découvert que nous avions les mêmes références et les mêmes envies. » A l’occasion, les amis jouaient avec l’idée d’ouvrir un jour leur propre table. « Comme nous sommes français et que nous sommes du métier, nous parlions souvent cuisine », se souvient Laurent Réa. « Après des années dans des restaurants gastronomiques, j’avais à cœur de faire une cuisine de terroir, plus simple, plus authentique. »

Il faudra pourtant un concours de circonstance pour que les trois Frenchies de San Antonio sautent le pas, début 2020. A l’époque, Jérôme Sérot et Laurent Réa travaillent déjà ensemble, mais leur entreprise n’a rien à voir avec la cuisine française : leur groupe compte alors un seul restaurant spécialisé dans la cuisine du sud du Texas, Southerleigh Fine Food and Brewery, ouvert avec le chef Jeff Balfour. Lorsqu’ils apprennent qu’une brasserie française doit ouvrir à quelques mètres de leur enseigne, ils décident de forcer le destin. « Nous avons eu deux semaines pour monter un contre-projet et le présenter à des gens qui étaient très réticents au départ », se souvient Jérôme Sérot. « Philippe a appelé Laurent, qui a dit oui tout de suite. En dix jours, nous avons monté un projet magnifique, avec des logos, des tabliers, un menu… Nous avons organisé un repas, avec Laurent aux fourneaux, pour expliquer au propriétaire des murs ce que l’on voulait faire. Et nous avons été retenus ! »

Face à la pandémie, le triomphe de l’esprit texan

A peine lancé, le projet de brasserie manque pourtant de s’arrêter net, au printemps 2020, quand la pandémie de Covid met l’Amérique et le monde sur pause. « Du jour au lendemain, il a fallu fermer le seul restaurant que nous avions, remercier nos 95 salariés et tout basculer dans la vente à emporter, en distribuant nous-mêmes les plats sur le trottoir », raconte Philippe Placé. « En parallèle, nous préparions l’ouverture de la brasserie et celle d’un autre restaurant, avec deux groupes d’investisseurs différents », poursuit Jérôme Sérot. « Nous avons eu la chance d’être au Texas, où l’esprit d’entreprise est très fort : non seulement personne ne nous a demandé de reporter, mais nous avons pu continuer les travaux pendant le confinement et dans les deux cas, nous avons même ouvert plus tôt que prévu. »

En décembre 2020, pour son démarrage, la brasserie Mon Chou Chou a bénéficié de l’envie des Texans de retourner dîner hors de chez eux. Plus anecdotique, le succès de la série de Netflix Emily in Paris a aussi contribué à attirer la clientèle. « Nous avions des jeunes filles qui venaient se prendre en photo chez nous », raconte Philippe Placé. Il faut dire que la décoration convient très bien à la génération réseaux sociaux, tout comme la carte. « Notre sandwich raclette a cartonné sur Instagram et reste le plat le plus vendu. Mais il résume aussi ce que nous voulons faire : une version française et de qualité de la comfort food américaine, avec un menu qui met les gens à l’aise. »

Deux ans après son ouverture, la brasserie ne désemplit pas et Mike Sutter, le critique gastronomique du San Antonio Express-News, n’a pas changé d’avis. « J’y suis retourné plusieurs fois et c’est absolument aussi bon qu’à l’ouverture », estime le journaliste, qui en décembre 2022 a donné à la brasserie Mon Chou Chou la première place dans sa sélection annuelle des meilleurs restaurants locaux. « Je pense que c’est le meilleur endroit où dîner à San Antonio pour avoir l’impression d’une ville en pleine expansion. »


Article publié dans le numéro de janvier 2023 de France-Amérique. S’abonner au magazine.