Petit Pot, les desserts français made in California

Les crèmes desserts d’un pâtissier français de San Francisco ont séduit les consommateurs de la Côte Ouest des Etats-Unis. D’ici 2018, la marque bio Petit Pot compte s’étendre à l’ensemble du pays et concurrencer les grands groupes industriels américains.

L’entreprise de Maxime Pouvreau est née d’une déception. Lors de sa première visite dans un supermarché américain, il y a dix ans, le Français originaire des Landes ne retrouve pas les pots de crèmes, chocolats viennois, cafés liégeois, flans, riz au lait, îles flottantes et autres desserts lactés populaires en France. Les Américains sont de grands consommateurs de yaourts — le marché national équivaut à quatre fois celui de la France — mais « les desserts à base de lait sont inexistants », observe le pâtissier français. « Quelques marques vieillottes comme Kozy Shack, Swiss Miss ou Jell-O vendent des puddings, mais ça n’a rien de comparable avec ce que l’on trouve en France. »

La crème dessert figure parmi les produits qui manquent le plus aux Français expatriés aux Etats-Unis. A juste titre. Déclinée en mille formats et autant de saveurs — vanille, pistache, praliné, expresso, spéculoos, caramel au beurre salé, chocolat blanc, chocolat menthe, chocolat sur lit de poires, chocolat sur lit de noix de coco ou encore chocolat noir extra —, la crème dessert est un incontournable des supermarchés français. Les marques Danette, La Laitière, Mamie Nova, Bonne Maman ou encore Mont Blanc figurent en tête des ventes. En France, le segment des « desserts lactés frais » — un segment qui exclut les yaourts — représente un marché annuel de 1,43 milliard d’euros auquel les grandes surfaces consacrent une moyenne de trente-et-un mètres de rayon. Contre quelques décimètres à peine aux Etats-Unis.

De l’hôtel Meurice à la Silicon Valley

Pour combler cette lacune, Maxime Pouvreau a créé l’entreprise Petit Pot en 2013. Dans les cuisines du Radius, le restaurant de San Francisco qui l’emploie alors comme chef pâtissier, le Français met au point ses pots de crème. Il adapte les recettes apprises au Meurice, le palace parisien. Il ajuste la recette d’un crémeux au chocolat, conçu sur la base d’une ganache au lait, à la crème, aux œufs et au chocolat, et allège en sucre la recette d’une tarte au citron meringuée. En parallèle, il se forme à la gestion, à la comptabilité, au droit des affaires et passe un diplôme de commerce dans un community college de Berkeley. « C’est bien de savoir faire des gâteaux », lance le jeune entrepreneur. « Mais il faut aussi savoir les vendre. »

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Maxime Pouvreau, 31 ans, est le fondateur de la marque Petit Pot.

Ses desserts sous le bras, Maxime Pouvreau approche les supermarchés de San Francisco. Une coopérative alimentaire du Mission District accepte de placer Petit Pot en rayon. Rapidement, le Français approvisionne une vingtaine de magasins. Il fait les livraisons lui-même, en voiture, et demande de l’aide aux commerçants pour imprimer ses premiers codes-barres. « Je sortais de la restauration ; je ne connaissais rien à la grande distribution ! »

Lorsqu’il évoque son parcours, le pâtissier de trente-et-un ans est prompt à invoquer le hasard. « J’ai commencé à travailler à dix-huit ans ; je n’ai rien en commun avec les Français diplômés de HEC qui évoluent dans la région de San Francisco », reconnaît-il. « Mais la Silicon Valley m’a permis de rencontrer des investisseurs et des clients. J’ai eu de la chance. » Et de citer en exemple le jour où il a rencontré, lors d’un événement culinaire à San Francisco, un des local foragers de la chaîne de supermarchés Whole Foods Market. Le verdict du découvreur de nouveaux produits est encourageant : « J’adore tes desserts, mais travaille ton emballage. »

Des ingrédients « 100% californiens »

En novembre 2014, Petit Pot signait avec Whole Foods un contrat de distribution et faisait son entrée dans un magasin de Berkeley. Six mois plus tard, la marque était présente dans l’ensemble des magasins du groupe en Californie du Nord, soit quarante-trois supermarchés. Les « ingrédients simples » et le pot de verre, contenant recyclable associé à une alimentation saine et respectueuse de l’environnement, ont séduit les acheteurs, commente une porte-parole du groupe.

Le savoir-faire est français, mais les matières premières sont « 100 % californiennes », insiste Maxime Pouvreau, naturalisé américain en juillet dernier. Le lait et la crème viennent de Humboldt Creamery, sur la côte au nord de San Francisco, les œufs de Chico, dans la Central Valley, et le chocolat de chez Guittard, une chocolaterie française fondée en 1868. Dans un laboratoire au sud de San Francisco, cinq employés sont affectés à la production des desserts, certifiés biologiques. De nouvelles saveurs ont fait leur apparition : vanille de Madagascar (« le parfum de glace le plus populaire aux Etats-Unis »), caramel au beurre salé (« un parfum souvent associé avec la France ») et café. Pour répondre aux attentes des consommateurs américains, qui plébiscitent des saveurs de saison, Petit Pot commercialise une crème à la citrouille et aux épices et une crème menthe chocolat au moment des fêtes de fin d’année. Le riz au lait, lancé en mars dernier, est en train de rattraper la crème au chocolat et celle à la vanille, les deux produits phares de la marque en termes de vente.

Huit cents points de distribution

Petit Pot, qui écoule 15 000 unités par semaine, est aujourd’hui présent dans quatre des onze régions du groupe Whole Foods aux Etats-Unis (la Californie du Nord, la Californie du Sud, la région des Montagnes Rocheuses et le Sud-Ouest), dans les enseignes du groupe Safeway en Californie et à Hawaï, et dans une quinzaine de magasins Mom’s Organic Market dans la région de Washington D.C. A New York, les pots de crèmes sont vendus au compte-gouttes dans une douzaine d’épiceries et boutiques haut de gamme dont Le District, Brooklyn Fare et Health Nuts. Au total, près de huit cents magasins distribuent la marque aux Etats-Unis.

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D’ici 2018, Petit Pot compte concurrencer les grands groupes industriels américains.

« Notre objectif est de profiter du réseau de distribution de Whole Foods pour nous étendre à l’ensemble du pays d’ici 2018 », annonce Maxime Pouvreau. « Avoir nos produits chez Whole Foods est excellent pour l’image de la marque et nous aide à convaincre les autres magasins. » Toutefois, pour convaincre les enseignes Fairway, Shop Rite, Stop & Shop et Costco, l’entreprise devra « casser » ses prix. Vendus 2,99 dollars l’unité, les pots de crème bio restent six fois plus chers que les produits concurrents, vendus aux alentours de cinquante centimes.

Un savoir-faire français reconnu

Petit Pot est encore « à la surface », admet Maxime Pouvreau, qui déclare un chiffre d’affaires d’un million de dollars. Par comparaison, la marque de puddings Kozy Shack, propriété du groupe laitier Land O’Lakes, annonce des revenus de plus de cent millions de dollars. Le marché américain des desserts lactés réfrigérés est un marché restreint, monopolisé par les grands groupes industriels. « Nous essayons d’améliorer la catégorie en proposant une gamme de produits premium et biologiques. »

Les desserts à base de lait représentent « une niche » aux Etats-Unis, mais Petit Pot a l’avantage d’être le premier producteur indépendant du marché et la première marque de desserts français installée de manière permanente aux Etats-Unis. (La marque Rians distribue ses crèmes brûlées dans les grandes surfaces Walmart et Costco au moment des fêtes de fin d’année uniquement.) Dès cet automne, Maxime Pouvreau espère pouvoir sous-traiter sa production à une usine au nord de la Baie de San Francisco, un site plus vaste et mieux équipé, et ainsi multiplier par dix sa capacité de distribution.

Autre avantage des pots de crème et riz au lait de Maxime Pouvreau, étiquetés « Desserts français traditionnels », les recettes françaises bénéficient d’une image favorable aux yeux des consommateurs américains. « La French Touch nous donne un certain avantage », apprécie l’entrepreneur. « En matière de produits laitiers et de desserts, les Français ont un savoir-faire que les Américains reconnaissent et estiment. »

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