Le résultat de l’élection présidentielle de 2016 a abasourdi Victor d’Allant. « J’aurais pu envoyer 10 000 tweets contre Trump », explique-t-il, « mais en tant que photographe et ethnologue, j’ai préféré aller à la rencontre de ses sympathisants et chercher à comprendre ». Il décide de se rendre sur place dans les petites villes et les campagnes, qui ont voté en masse pour le candidat républicain. Armé de son appareil Leica Q, il porte son attention sur sept villes qui s’appellent Paris et sont « assez grandes pour avoir un bureau de poste ».
A Paris au Texas (24 800 habitants), la Paris Music Company ne vend plus de disques depuis longtemps. A Paris dans l’Idaho (500 habitants), le temple mormon est devenu trop grand pour la petite ville qui se vide. A Paris dans l’Illinois (8 300 habitants), la fermeture de l’usine de balais a laissé un trou béant dans l’économie locale. « En 1888, Paris, Missouri comptait 2 500 habitants, deux banques, quatre hôtels, neuf magasins d’alimentation, trois magasins de chaussures et deux bijouteries », témoigne Victor d’Allant. « La plupart de ces commerces ont disparu dans les 50 dernières années et la ville ne compte aujourd’hui plus que 1 200 habitants. »
L’histoire est la même partout. Mais dans ces villes sur le déclin subsiste une certaine fierté d’être associé à « l’autre Paris ». Ces bourgades sont nées au tournant du XVIIIe siècle et portent dans leur nom le souvenir d’une époque où l’Amérique se passionnait pour la prise de la Bastille et le marquis de La Fayette, héros français de l’indépendance américaine. Certaines continuent d’entretenir des liens avec la France : c’est le cas de Paris dans le Kentucky (9 700 habitants), « capitale mondiale des pur-sang », jumelée avec Lamotte-Beuvron dans le Loir-et-Cher, qui accueille le plus grand parc équestre d’Europe.
Une tour Eiffel de 21 mètres accueille les visiteurs à Paris dans le Tennessee. Celle de Paris au Texas (« le deuxième plus grand Paris au monde ») est coiffée d’un chapeau de cow-boy rouge ! Dans l’Arkansas, au pied de la tour Eiffel de sept mètres de haut, on a accroché sur une grille des cadenas en clin d’œil à ceux du Pont des Arts. Après l’attentat contre Charlie Hebdo en 2015, plusieurs de ces répliques de la tour Eiffel servirent d’autels : en solidarité avec leur grande sœur française, les « Parisiens » – comme se surnomment les locaux – y déposèrent des fleurs et des bougies.
En 1991, la ville de Paris dans le Tennessee organisa la première convention des Paris américains : il fut question de créer une fédération nationale. Le projet ne vit jamais le jour, mais ces petites villes continuent de porter le symbole de l’amitié franco-américaine.
Article publié dans le numéro de septembre 2020 de France-Amérique. S’abonner au magazine.