Portfolio

Ben Thouard : au cœur de la vague

Le photographe Benjamin Thouard a élu domicile sur un « caillou à surfeur » à mi-chemin entre la Californie et la Nouvelle-Zélande : l’île française de Tahiti. Chaque jour, il plonge dans les entrailles d’une vague parmi les plus puissantes au monde pour en remonter des images à couper le souffle.
[button_code]
© Greg Gyselinck

Tout a commencé par un accident. Ben Thouard était sous l’eau, il photographiait un surfeur en train d’évoluer sur la célèbre vague de Teahupo’o, lorsque le mur liquide s’est refermé au-dessus de lui. Surpris par le choc, « compressé entre le tube translucide et le récif abrasif », il découvre une manifestation physique peu connue : lorsque la lèvre de la vague frappe la surface de l’océan, le transfert d’énergie forme un tapis de bulles d’air qui explosent en une fraction de seconde.

« J’ai tout de suite été fasciné par le phénomène », témoigne le Français de 35 ans. « C’est extraordinaire de voir ces colonnes d’air, ces anneaux qui se forment, tourbillonnent sur eux-mêmes et le long de la vague avant d’exploser… » Mais pour saisir ces « vortex », il faut accepter de se « faire enfermer », comme disent les surfeurs. Tout va très vite : « Lorsque la vague arrive, je nage pour me placer au bon endroit, je prends ma respiration et je palme pour rejoindre le fond. Je cadre, je shoote en rafale puis je remonte parce qu’une nouvelle vague arrive déjà. »

ben-thouard-tahiti-teahupoo-photographe-photographer-turbulences-6
© Ben Thouard

Ces images sous-marines ont donné naissance au livre Turbulences. Publié en novembre dernier, il fait suite à Beauté mer (2018), avec les textes de l’écrivain et navigateur Olivier Le Carrer, et Surface (2018), dans lequel le photographe explore cette zone de contact entre l’eau et l’air, ses reflets, ses jeux d’ombre, de lumière et de transparence. « Avec Turbulences, j’ai poussé le vice encore plus loin en ne montrant que la nature. Il y a encore un surfeur de temps à autre – il donne un repère, comme une échelle en arrière-plan – mais la part belle est donnée à l’élément eau. »

Une relation intime avec l’océan

Ben Thouard n’est pas un photographe de surf comme les autres. Il a grandi à Toulon, face à l’étendue relativement plate de la Méditerranée. Enfant, il découvre le bodyboard puis le surf, qu’il pratique dès que la mer « daign[e] s’élever ». En attendant la houle, il s’initie à la planche à voile – très prisée dans le sud de la France à Hyères, à Leucate et dans les environs de Marseille – ainsi qu’à la peinture et à la photographie. Suivra une école de photo à Paris, qu’il abandonne après un an et demi, frustré de vivre aussi loin des vagues.

A 19 ans, il s’installe à Hawaï, sur l’île de Maui. Il s’est bricolé un caisson étanche pour protéger son appareil et se met à l’eau tous les jours : peu importe les conditions, il nage au plus près des véliplanchistes et prend ses photos au ras des vagues. Une activité aussi dangereuse qu’exténuante, mais ce point de vue original attire l’attention de Wind Magazine. « J’ai vu mes photos publiées en double page puis en couverture. C’est comme ça que j’ai commencé, avec la presse spécialisée. »

ben-thouard-tahiti-teahupoo-photographe-photographer-turbulences-5
© Ben Thouard

Pendant trois ans, Ben Thouard fait des allers-retours entre Paris et Hawaï : trois mois au printemps, trois mois à l’automne, lorsque le gratin international de la planche à voile afflue sur le spot de Ho’okipa. Sur place, le choc culturel est rude « entre le petit Français et cette culture américaine très différente ». Sans parler de l’éternelle question du visa. En juillet 2007, une commande l’emmène à Tahiti, une collectivité d’outre-mer qui dépend de la Polynésie française. C’est « le coup de cœur ».

Sur la presqu’île de Tahiti Iti, le photographe a trouvé sa vague : Teahupo’o, un formidable rouleau né des profondeurs du Pacifique qui s’élève au-dessus d’un récif de corail peu profond. Une vague extraordinaire, régulière et esthétique qui accueille chaque année une étape du championnat du monde de surf et qui sera bientôt au centre des épreuves de surf des Jeux olympiques de Paris 2024. Ben Thouard vit désormais de la vente de ses tirages et de commandes commerciales pour Tag Heuer, Hurley, Billabong, Julbo ou Oxbow. Il continue de plonger dans l’écume, à la cherche de la photo parfaite. « Je suis dans l’eau tous les jours, ça fait partie de mon équilibre. »

ben-thouard-tahiti-teahupoo-photographe-photographer-turbulences-8
© Ben Thouard
ben-thouard-tahiti-teahupoo-photographe-photographer-turbulences-2
© Ben Thouard
ben-thouard-tahiti-teahupoo-photographe-photographer-turbulences-3
© Ben Thouard
ben-thouard-tahiti-teahupoo-photographe-photographer-turbulences-4
© Ben Thouard
ben-thouard-tahiti-teahupoo-photographe-photographer-turbulences-7
© Ben Thouard
 

Les photos de Ben Thouard seront exposées à la galerie BLIN plus BLIN, à Paris, du 18 mai au 10 juillet 2022.

 

Portfolio publié dans le numéro d’avril 2022 de France-Amérique. S’abonner au magazine.