Dior and I, documentaire du jeune réalisateur français installé à Brooklyn Frédéric Tcheng, sort ce vendredi en salles aux Etats-Unis. Une plongée inédite dans la maison Dior que nous raconte son réalisateur.
France-Amérique : Comment avez-vous abordé ce documentaire, qui vous a été proposé par la maison Dior, pour ne pas en faire une publicité d’une heure et demie pour la marque ?
Frédéric Tcheng : Ce n’est jamais facile de défendre son indépendance artistique. Mais on a de la chance en France, les réalisateurs sont très protégés par la loi, et il y a un droit moral du réalisateur sur son film. On ne peut pas forcer un réalisateur à dénaturer son film. J’ai beaucoup communiqué avec Dior en amont pour qu’il n’y ait pas de malentendus. Je leur ai expliqué qu’un film promotionnel de 90 minutes n’intéresserait personne. La maison Dior savait qu’elle prenait un risque en m’autorisant à filmer ce moment charnière de leur existence, avec l’arrivée d’un nouveau directeur artistique, Raf Simons. (Ndlr : ce dernier a succédé en avril 2012 à John Galliano, licencié suite à ses propos antisémites). C’est là que réside l’intérêt du documentaire, l’inconnu dans laquelle la maison Dior se trouvait durant cette période.
Avant même le début du tournage, quelle histoire souhaitiez-vous raconter ?
Je voulais faire un film chorale sur les hommes et les femmes de l’ombre de Dior. Pas un portrait de Raf Simons. Lui n’était d’ailleurs pas favorable au projet à l’origine car il voulait éviter toute starification. Comme Christian Dior en son temps, Raf Simons n’est pas à l’aise avec la presse. Il a du mal à vivre l’aspect public de son métier. Je lui ai envoyé une lettre d’intention pour lui expliquer que je ne le mettrai pas sur un piédestal, que le film n’était pas centré sur lui. La première fois où je l’ai rencontré, c’était à travers la caméra. Je l’ai filmé lors de son premier jour chez Dior, quand il s’est présenté à l’atelier de couture. D’emblée, j’étais dans la même position que les couturières, qui ne le connaissaient qu’à travers des articles sur internet. J’ai pu filmer toute la préparation d’une collection à travers le point de vue des couturières de l’atelier, leur adaptation à un nouveau patron, à une nouvelle vision de la maison Dior.
Avez-vous constaté des parallèles entre la préparation d’une collection et la réalisation d’un film ?
Absolument. Tout le long du tournage, j’avais l’impression de marcher dans les traces de Raf et des ateliers. Le processus créatif est universel. C’est d’abord quelque chose d’intime, que l’on doit ensuite communiquer à son équipe puis au monde entier. Dans le film, une couturière compare l’envoi de sa robe, sur laquelle elle a travaillé durant des mois, à un bébé qu’elle doit laisser partir. On ressent la même chose avec son film, qui ne nous appartient plus une fois le tournage et le montage terminés. Aujourd’hui, je me retrouve à faire la promotion du film et je suis dans le même type d’angoisse que Raf Simons a deux jours du défilé. Je réfléchis à ce que je vais dire en public à l’avant-première, à ce que vont penser les spectateurs. Heureusement, je n’ai pas les mêmes responsabilités que Raf Simons. Je ne peux qu’imaginer ce qu’il a ressenti le premier jour du défilé.
Cliquez ici pour connaître les séances de Dior and I aux Etats-Unis