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De Paris à Tribeca, le grand voyage du Fouquet’s

Plus besoin d’aller sur les Champs-Elysées pour manger ou dormir au Fouquet’s. La mythique brasserie parisienne vient d’ouvrir son premier hôtel américain dans le sud de Manhattan. Cible prioritaire : les beautiful people de la mode et du cinéma.
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Toutes les images : © Fouquet’s New York

Le nouveau symbole new-yorkais de l’art de vivre à la française trône à la place d’un ancien parking. Avec ses larges verrières de métal, l’immeuble de briques rouges qui abrite l’hôtel Fouquet’s New York est sorti de terre en trois ans à peine, mais il semble avoir toujours fait partie du paysage. Conçu par le cabinet d’architectes Stephen B. Jacobs, le bâtiment reprend, en les modernisant, les codes des immeubles industriels du XIXe siècle qui font le charme de Tribeca, l’un des quartiers les plus chics – et les plus chers – de Manhattan.

New-yorkais dehors, mais parisien dedans. Le cinq-étoiles, actif depuis fin septembre, se veut le pendant transatlantique de l’hôtel Fouquet’s ouvert sur les Champs-Elysées en 2006. La décoration, confiée à l’agence de Martin Brudnizki, joue la partition du mariage franco-américain, en entremêlant références à l’Art déco – motifs géométriques, cristal, métal poli… – et tentures et velours à la française, dans des tons pastel vert ou lavande. Symbole humoristique de cette double culture, la plupart des chambres s’ornent d’un papier peint, façon toile de Jouy, conçu spécialement pour l’hôtel. En s’approchant, on y découvre des scènes et des lieux emblématiques de New York : promeneurs de chiens, pigeons, entrées de métro et vendeurs de bretzels !

« C’est un hôtel qui a du charme et du caractère, jamais impersonnel et un peu surprenant », analyse Gilles Stellardo, directeur général du Fouquet’s New York. « A l’extérieur, on voit un bâtiment industriel, mais quand on entre, on a l’impression de se retrouver dans un hôtel particulier parisien. » Caché au fond de l’entrée, un bar feutré inspiré d’un speakeasy des Années folles sert d’antichambre entre l’hôtel et la brasserie Fouquet’s. C’est dans celle-ci que les références à la mythique table parisienne, fondée par Louis Fouquet en 1899, sont les plus visibles : photos de stars en noir et blanc par le studio Harcourt, fauteuils de velours rouge, salon privé, sans oublier la carte, signée par le chef parisien Pierre Gagnaire.

Sole meunière et mac and cheese

Le célèbre cuisinier, en plus de ses nombreux restaurants – dont un trois-étoiles à son nom, rue Balzac à Paris –, conçoit depuis 2015 le menu des dix brasseries Fouquet’s à travers le monde. A l’ouverture de celle de New York, dont les cuisines sont confiées au chef américain Bradley Stellings, les classiques de la brasserie (soupe à l’oignon, sole meunière, millefeuille…) côtoyaient un tiers de plats pensés pour la clientèle locale : homard du Maine grillé, popcorn soup ou gratin de macaroni au Cantal en clin d’œil au mac and cheese américain. Un deuxième restaurant, le Par Ici Café, sert des plats végétariens sous une grande verrière, qui pourra s’ouvrir aux beaux jours.

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L’hôtel, ouvert en septembre, occupe un bâtiment de briques rouges au cœur de Tribeca.
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Depuis l’entrée de l’hôtel, on accède à un bar feutré inspiré par les speakeasies des Années folles.
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Gilles Stellardo, le directeur général de l’hôtel Fouquet’s New York.
A New York, le Fouquet’s propose 97 chambres, dont 31 suites.
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Une des chambres Deluxe, inspirées par les boudoirs français du XVIIIe siècle.
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A l'intérieur, la décoration multiplie les références à l’Art déco : motifs géométriques, cristal, métal poli.

Dans les étages, le Fouquet’s propose 97 chambres (à partir de 1 150 dollars la nuit), dont 31 suites. « Certaines sont des suites d’exception, avec des terrasses donnant sur la skyline de Manhattan ou sur l’Hudson River », détaille Gilles Stellardo. Joyau de l’hôtel, une suite présidentielle, la bien-nommée « Le Grand Appartement Terrasse », occupe 250 mètres carrés aux septième et huitième étages, avec trois balcons privés. Quant au sous-sol, il accueille un spa tout de marbre blanc avec une piscine, elle aussi en marbre, et un espace de fitness ouvert en partenariat avec DogPound, une salle de sport ultra-select installée à deux pas de là sur Canal Street.

Toujours en sous-sol, l’hôtel dispose de sa propre salle de cinéma, avec une soixantaine de fauteuils et banquettes. « Nous voulons nouer des liens avec le festival de Tribeca », indique le directeur, « mais aussi organiser des événements en duplex avec Paris, par exemple pour le dîner de la cérémonie des César, qui se tient chaque année au Fouquet’s des Champs-Elysées ».

Un accueil grand luxe, « comme à la maison »

Dans un quartier plus résidentiel que touristique, mais prisé par les célébrités et les milliardaires, l’hôtel vise une clientèle « à 60 % américaine, surtout de Los Angeles, avec des personnalités du cinéma et de la mode », anticipe Gilles Stellardo. Un monde rich and famous que ce Niçois d’origine, ancien danseur classique, connaît très bien : il a dirigé de 2012 à 2020 le Mercer Hotel de Soho, dont le propriétaire, André Balazs, possède aussi le mythique Chateau Marmont d’Hollywood et la chaîne d’hôtels Standard. « Le Mercer était l’adresse des personnalités du Who’s Who quand elles venaient à New York, de Karl Lagerfeld à Travis Scott. Toutes les célébrités – anciennes, présentes et futures – y ont séjourné ! »

Arrivé aux commandes du Fouquet’s un an avant l’ouverture, Gilles Stellardo dirige une équipe de près de 200 personnes, qu’il a fallu recruter et former en pleine pénurie de main-d’œuvre. « C’est devenu difficile de trouver des gens qui ont à la fois l’expérience et l’envie de faire ces métiers », reconnaît-il. Sa recette ? Miser avant tout sur les qualités humaines, à commencer par le respect de la vie privée des clients. « Le directeur est un chef d’orchestre qui doit savoir jouer de tous les instruments. Il faut tout faire pour que chaque client se sente comme à la maison : être à la fois une épaule, un confident, un docteur – sans jamais oublier que l’on est avant tout un employé. »

Propriétaire du Fouquet’s parisien depuis 1998, le groupe Barrière a depuis décliné la marque en ouvrant des brasseries dans ses hôtels et ses casinos, de Cannes à Courchevel en passant par Toulouse, Saint-Barthélemy et le Louvre d’Abou Dhabi. L’hôtel new-yorkais, dont Barrière assure la gestion en partenariat avec le groupe immobilier Caspi Development, propriétaire des murs, marque sa première incursion aux Etats-Unis. Elle intervient à un moment charnière pour New York. D’un côté, le tourisme est reparti de plus belle après le coup d’arrêt porté par la pandémie : NYC & Company, l’organisme de promotion touristique de la ville, prévoit 56 millions de visiteurs en 2022, contre 33 millions l’an dernier. De l’autre, le taux de change défavorable, l’inflation et les menaces de récession pourraient freiner la clientèle internationale. Mais cela n’entame pas l’optimisme du directeur du Fouquet’s New York. « Nous sommes sur un marché de niche, pour lequel le prix n’entre pas en ligne de compte pour le moment », assure Gilles Stellardo. « La fréquentation dépendra avant tout de la marque, car Fouquet’s n’est pas encore très connu ici, mais aussi du bouche-à-oreille. Et nous avons tout pour qu’il nous soit favorable ! »


Article publié dans le numéro de décembre 2022 de France-Amérique. S’abonner au magazine.