En janvier 2016 était diffusé sur France 2 Janvier 2015 : au cœur des attaques, la version française de Three Days of Terror: The Charlie Hebdo Attacks, le documentaire du réalisateur britannique Dan Reed sur les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. La version originale du film sera diffusée aux Etats-Unis à partir du 19 septembre sur la chaîne HBO.
France-Amérique : Après vos documentaires sur les attaques en Inde en 2008 (Terror in Mumbaï), sur les attentats du métro de Moscou en 2010 (Terror in Moscow) ou dans un centre commercial au Kenya en 2014 (Terror at the Mall), pourquoi avoir choisi les attentats contre Charlie Hebdo comme sujet ?
Dan Reed : Je suis très francophile. J’ai vécu à Paris pendant mes études et j’ai énormément d’amis français. Ces attentats m’ont particulièrement touché. Par ailleurs, les attaques contre Charlie Hebdo se sont étalées sur trois jours, tel un roman avec plusieurs chapitres à rebondissements et plusieurs personnages. Complexe et confuse, la situation méritait d’être expliquée.
Le Nouvel Obs décrit votre documentaire comme une enquête « d’une précision chirurgicale ». Comment s’est organisé le tournage ?
Heure par heure, notre film raconte les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015. Au début, notre travail s’apparentait à du journalisme. On a enquêté pendant des mois. C’est un travail minutieux et invisible à l’écran, mais fondamental pour un documentaire : l’enquête sert à appuyer la narration. Nous avons ensuite interviewé près de 50 personnes à Paris : la police, le RAID, le GIGN, le personnel des ministères, mais aussi les témoins, un agent de la voierie, un urgentiste, ou encore une des caissières de l’Hyper Cacher.
A l’écran, les entretiens sont intimistes et très poignants. Comment les témoins, encore traumatisés par les attentats, ont-ils réagi face à votre caméra ?
Nous avons déployé beaucoup d’énergie pour convaincre les gens à se confier. Les Français sont très pudiques sur leurs sentiments. Ils sont plus sensibles que les autres. D’ailleurs, la version du documentaire diffusée en France a été éditée : les images les plus violentes ont été retirées.
Visuellement, comment avez-vous construit ce documentaire ?
Photos et vidéos d’archives s’entremêlent aux interviews. Le documentaire est très factuel. J’ai voulu partir de témoignages intimistes pour raconter un évènement historique. On a décidé de ne pas ajouter d’éléments graphiques ; seulement une bande sonore pour rythmer le récit de manière épique. On a réussi à ne pas en faire quelque chose de vulgaire ou de cheap, comme redoutaient les Français avec qui nous avons travaillé.
A la fin du documentaire le procureur de Paris explique que ce type d’évènement se répétera dans le futur. Ne trouvez-vous pas la chute trop anxiogène ?
Oui, François Molins explique qu’il est compliqué de prévoir ce type d’évènements. La réalité n’est pas réjouissante. Je me souviens de notre dernier entretien… Le 13 novembre 2015, à 18h, nous finissions d’interviewer Jean-Pierre Tourtier, le médecin-chef de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris. Il venait de nous dire que si les terroristes avaient le courage de tuer pour leurs idées, les Français, eux, avaient le courage de résister à la terreur. Quelques heures plus tard, il pataugeait dans une mare de sang au Bataclan… J’ai essayé de contrebalancer les propos du procureur de Paris avec ceux de Jean-Pierre Tourtier qui évoque la force mentale des Français. Cela donne un peu d’espoir.