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La drôle de guerre entre Airbus et Boeing

Depuis 2015, Airbus assemble des avions aux Etats-Unis tandis que Boeing conçoit une partie de ses appareils en France. La rivalité entre les deux avionneurs représente plus qu’un match France-Etats-Unis.
© Hervé Goussé/Master Films/Airbus

Longtemps, Airbus a fait figure de benjamin. Le constructeur né en 1970 d’une alliance entre la France, l’Allemagne de l’Ouest, le Royaume-Uni et l’Espagne peinait à s’imposer aux Etats-Unis. Les compagnies américaines persistaient à privilégier Boeing et McDonnell Douglas, qui avaient bâti leur réputation en produisant des bombardiers pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Airbus a remporté une première victoire en 1984. Cette année-là, les usines de Toulouse ont reçu une commande de vingt-huit appareils pour la Pan Am, une compagnie jusqu’alors fidèle à Boeing. Le New York Times applaudit la nouvelle : le groupe européen « qui a lutté pendant une décennie pour pénétrer le marché aéronautique américain » a réussi son « coup ». Les Européens emportent une nouvelle victoire en 2009 lorsque Delta Air Lines diversifie ses fournisseurs et passe commande auprès d’Airbus.

Les deux rivaux, que la presse surnomme « les frères ennemis », constituent aujourd’hui un duopole qui domine le marché mondial du transport aérien. Lors des salons aéronautiques du Bourget, de Farnborough en Angleterre, de Dubaï ou de Singapour, Airbus et Boeing enchaînent les « rounds de négociations ». Une guerre commerciale sans vainqueur. « Depuis le début des années 2000, Airbus fait jeu égal avec Boeing », observe Bruno Trévidic, spécialiste des transports aériens au quotidien Les Échos. « La montée en puissance des compagnies low-cost avantage Airbus, réputé pour ses appareils moyen-courriers, alors que le développement du transport intercontinental profite à Boeing, dominant sur le secteur des long-courriers. »

Les statistiques confirment cet équilibre. American Airlines, première compagnie aérienne au monde, possède autant d’Airbus que de Boeing. Delta Air Lines, la deuxième, met en service un Airbus pour deux Boeing et Air France-KLM, la cinquième, deux Airbus pour trois Boeing. Le constructeur américain a clos l’année 2017 avec 912 commandes d’avions commerciaux et 763 livraisons. L’Européen, pour sa part, a totalisé 1 109 commandes et 718 livraisons.

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Airbus emploie aux Etats-Unis, Boeing en France

Cette rivalité Airbus-Boeing reste un match Europe-Etats-Unis, mais « le marché de l’aéronautique est mondialisé », poursuit Bruno Trévidic. « Plus aucun pays ne fabrique seul ses avions. » En témoigne la commande passée à Airbus par le fonds d’investissement américain Indigo Partners en novembre dernier. Les réacteurs qui équiperont les 430 appareils seront mis au point par l’entreprise Pratt & Whitney, dans le Connecticut. Les autres éléments seront produits en France, en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni, transportés par cargo jusqu’aux Etats-Unis et assemblés à Mobile, dans l’Alabama.

Sur cette ancienne base de l’U.S. Air Force, 380 employés assemblent les moyen-courriers d’Airbus au rythme de quatre par mois. Quarante pour cent des composants des appareils Airbus sont désormais conçus aux Etats-Unis, où l’avionneur européen emploie 3 200 personnes sur vingt sites d’assemblage et d’entraînement. Par le biais de ses fournisseurs, le groupe européen a créé 275 000 emplois indirects aux Etats-Unis et contribue à l’économie américaine à hauteur de 16,5 milliards de dollars par an.

Cette culture transnationale d’Airbus s’oppose à l’approche américano-américaine de Boeing. En effet, Boeing n’a aucun site de production en dehors des Etats-Unis. Indirectement, cependant, l’Américain donne du travail à 30 000 Français et contribue à l’économie française à hauteur de six millions de dollars par an. Les portes, les trains d’atterrissage et les freins du Boeing 787 Dreamliner sont conçus en France. Les réacteurs qui propulsent le Boeing 737 sont produits par un consortium franco-américain formé par Safran et General Electric.


Article publié dans le numéro de février 2018 de France-AmériqueS’abonner au magazine.

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