Livres

Les exploits du Sergent York en bande dessinée

Une avenue de Manhattan porte son nom, mais qui se souvient du sergent York, le soldat américain le plus décoré de la Première Guerre mondiale ? Il s’est illustré en France pendant l’offensive Meuse-Argonne, dont on fête en ce moment le centenaire, et fait l’objet d’un comic book publié par l’association de l’U.S. Army.
[button_code]
© Association of the United States Army

Le 8 octobre 1918, 17 soldats de la 82e Division d’Infanterie américaine attaquent une position allemande à proximité de Chatel-Chéhéry dans les Ardennes. Six Américains meurent dans l’assaut et trois autres sont blessés. Les survivants ripostent et, à l’initiative d’un caporal de trente ans, font prisonniers 132 soldats ennemis – dont un major et trois lieutenants – et s’emparent de 35 mitrailleuses. Pour son courage sur le champ de bataille, le caporal Alvin York reçoit la Medal of Honor américaine, la croix de guerre française et une promotion au grade de sergent.

« Ce que vous avez fait a été la plus grande chose jamais accomplie par un soldat de toutes les armées en Europe », déclara le maréchal Foch en épinglant la croix de guerre avec palmes sur la poitrine du soldat américain. Le sergent York est un héros. A son retour aux Etats-Unis en avril 1919, New York lui offre une parade sur Broadway et le Saturday Evening Post publie le récit de ses exploits en première page. Depuis, une avenue a pris son nom dans l’Upper East Side de Manhattan et un dollar d’argent à son effigie a été frappé en janvier dernier.

us-army-association-graphic-novel-comic-book-sergent-sergeant-alvin-york-1918-1
Alvin York, en 1919. La croix de guerre avec palmes est visible sur son uniforme. © Bettmann/Getty Images

Alvin York fait partie de ces personnages populaires dont raffole l’Amérique. On le compare à Davy Crockett, Daniel Boone, Andrew Jackson et même Abraham Lincoln. Elevé à la dure dans les collines du Tennessee, il quitte l’école après moins d’un an pour aider son père forgeron. Après le décès de celui-ci, il devient chasseur, bûcheron et employé du chemin de fer pour subvenir aux besoins de sa mère et de ses dix frères et sœurs. Bagarreur et alcoolique repenti, il se tourne vers la religion et rejoint une communauté protestante réputée pour son ascétisme. Lorsque les Etats-Unis entrent en guerre en 1917, il est objecteur de conscience : ses croyances l’empêchent de se battre. Il accepte finalement de prendre les armes – un supérieur le convainc que cette guerre est morale, puisque justifiée par Dieu – et débarque au Havre le 21 mai 1918.

Après la guerre, Alvin York refusera les 30 000 dollars qu’on lui offre pour produire un vaudeville inspiré de ses exploits, mais acceptera la proposition d’Hollywood. Il sera incarné à l’écran par Gary Cooper et le film d’Howard Hawks, Sergeant York, recevra deux Oscars. « Ce que la plupart des gens retiennent au sujet de York est tiré du film de 1941 avec Gary Cooper », regrette Michael Birdwell, un historien à l’université Tennessee Tech qui a étudié l’héroïsation d’Alvin York et de ses faits d’armes. « C’était un personnage complètement différent. Hollywood doit souvent prendre des raccourcis pour représenter la réalité historique en 80 ou 90 minutes. Bien que cela donne parfois une image erronée du sujet, ça reste positif que des films rendent compte de l’histoire. »

Le comic book de onze pages produit par l’association de l’U.S. Army – et disponible gratuitement sur son site web – se concentre sur les exploits militaires du sergent York. Il apparaît comme un géant moustachu, mange ses mots comme un redneck illettré et corrige fièrement l’officier allemand qui le prend pour un Anglais : « Non. Pas anglais. Américain. » Une vision simpliste et patriotique du soldat décédé en 1964.