Home Away

Les hôtels mythiques des Américains en France

Des chambres minables du Quartier latin fréquentées par la Beat Generation aux palaces luxueux de la Côte d’Azur, les hôtels français occupent une place de choix dans l’imaginaire américain. En voici dix qui par leur histoire, leurs légendes et leurs scandales continuent de marquer les esprits.
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La Colombe d’Or, à Saint-Paul-de-Vence. © Arian Jabbary

Le Ritz, Paris

Cinq étoiles et 142 chambres – certaines avec vue sur la place Vendôme. A son ouverture en 1898, le Ritz (électricité et eau chaude à tous les étages) devint un symbole du luxe et de l’opulence parisiennes. Ce rendez-vous doré des expatriés américains ayant fui la Prohibition est aussi le lieu de naissance du Sidecar, du Mimosa et du Bloody Mary coopté par Hemingway, conteur en résidence de l’hôtel dont il libéra le bar en août 1944. L’écrivain a mis en scène cette vie de château dans une nouvelle inédite publié en 2018, A Room on the Garden Side.

Thé dans le jardin du Ritz, vers 1930. © Boris Lipnitzki/Roger-Viollet

L'hôtel du Palais, Biarritz

Sur le site de la résidence estivale de l’impératrice Eugénie se dresse le seul palace de la côte Atlantique, une bâtisse de pierres et de briques avec vue sur l’océan. Hemingway y a séjourné dans les années 1920 : l’hôtel apparaît dans son roman Le Soleil se lève aussi et le film du même nom avec Ava Gardner sera en partie tourné sur place. La piscine d’eau de mer, chauffée à 27°C, sera inaugurée par Sinatra en 1959 et 60 ans plus tard, l’hôtel du Palais était entièrement rénové pour accueillir Emmanuel Macron, Donald Trump et les délégations du G7.

© Hôtel du Palais Biarritz

Le Beat Hotel, Paris

En 1957, la Beat Generation élit domicile dans un hôtel délabré du Quartier latin, au 9 rue Gît-le-Cœur. Allen Ginsberg, figure de proue de ce mouvement littéraire d’avant-garde, y compose son plus célèbre poème, Kaddish, dans sa chambre à 10 francs la nuit. Au mur, il a accroché une photo du poète Arthur Rimbaud. Le confort est sommaire : les draps ne sont changés qu’une fois par mois, l’eau chaude ne coule que trois jours par semaine. William Burroughs y achèvera Le Festin nu au bar du rez-de-chaussée en 1959. L’endroit est devenu un hôtel quatre étoiles, le Relais du Vieux Paris, mais une plaque commémore le passage de ces locataires sans le sou.

Le poète américain Gregory Corso dans sa chambre sous les toits, en 1957. © Allen Ginsberg/Stanford University Libraries/Allen Ginsberg Estate
L’écrivain américain William Burroughs dans sa chambre, en 1958. © Loomis Dean/Getty Images

La Louisiane, Paris

« Nous ne sommes pas un palace cinq étoiles, mais juste un hôtel ancestral et pittoresque […] aux chambres spartiates. » Tout est dit. L’établissement fondé en 1823 par un colonel de Napoléon parti tenter sa chance en Amérique est devenu un emblème du Quartier latin, repère des artistes, des poètes et des vagabonds : Henry Miller, Billie Holiday, Dizzy Gillespie, Jim Morrison, Cy Twombly, Keith Haring marqueront de leur passage le lieu que l’on compare au Chelsea Hotel de New York. Comptez 104 euros pour une chambre simple cet été.

L’hôtel La Louisiane à Saint-Germain-des-Prés, en 1947. © Robert Doiseau/Gamma-Rapho/Getty Images

Le Bristol, Paris

Le palace inauguré en 1925 est le deuxième du nom. Le premier Bristol, qui siégeait place de la Concorde à Paris, était le « domicile des rois et des empereurs », écrit Edith Wharton dans Le Temps de l’innocence. L’écrivain y fait séjourner Newland Archer dans la scène finale (et déchirante) du roman où le héros renonce à jamais à la Comtesse Olenska. L’ex-président des Etats-Unis Ulysses S. Grant y a séjourné cinq semaines en 1877 au cours de sa tournée mondiale. L’actuel Bristol, situé rue du Faubourg Saint-Honoré, accueille la même clientèle : Charlie Chaplin, Rita Hayworth, Josephine Baker – qui fêtera entre ses murs ses 50 ans sur scène – ou plus récemment Woody Allen, qui y a tourné Minuit à Paris : le héros (Owen Wilson) s’en échappe pour flâner dans le Paris des années folles !

© Le Bristol Paris

Le Peninsula, Paris

Le site retenu par le groupe asiatique Peninsula Hotels pour son premier établissement européen est symbolique : le 19 avenue Kleber. L’adresse est celle de l’ancien hôtel Majestic, considéré comme l’un des palaces les plus modernes de la capitale à son ouverture en 1908. George Gershwin y composera Un Américain à Paris en 1928, mais le bâtiment fut racheté par le gouvernement français. C’est ici qu’en 1973, Henry Kissinger et Le Duc Tho ont signé les accords de paix mettant fin à l’intervention américaine au Vietnam. Après quatre ans de travaux, le bâtiment est redevenu un palace en 2014.

© Le Peninsula Paris

L’hôtel du Cap-Eden-Roc, Antibes

Les pins d’Alep de l’allée escortent les visiteurs depuis la villa de style Napoléon III jusqu’à la piscine d’eau de mer surplombant la Méditerranée. L’ancienne retraite pour écrivains en panne d’inspiration, transformée en palace en 1889, a conservé son charme discret. F. Scott Fitzgerald y situera l’action de son roman Tendre est la nuit ; les vedettes américaines s’y détendent pendant le festival de Cannes : Madonna dans la chambre 644, sa préférée, et Kirk Douglas en ski nautique. Naomi Campbell y a fêté son 40e anniversaire avec un gâteau de trois mètres de haut !

La piscine d’eau de mer à l’hôtel du Cap-Eden-Roc, en 1976. © Slim Aarons/Getty Images

La Colombe d’Or, Saint-Paul-de-Vence

Dans les collines de l’arrière-pays provençal, Paul et Baptistine « Titine » Roux ont fait de leur café un hôtel-boutique avant l’heure. Dès les années 1920, on vient danser sur la terrasse au son du piano mécanique. Le couple Fitzgerald y fait la rencontre de la danseuse en vogue Isadora Duncan. La décoration est confiée aux artistes de passage : un Picasso dans l’entrée, une toile de Chagall dans la salle à manger, un mobile géant de Calder au bord de la piscine. L’écrivain James Baldwin, qui habitait à proximité, y dînait régulièrement. Aujourd’hui, les stars Brad Pitt, Angelina Jolie, Quentin Tarantino et Uma Thurman y ont leurs habitudes.

© Léanne Ansar
© Ruby en Rose

L'hôtel Belles Rives, Juan-les-Pins

F. Scott Fitzgerald et son épouse Zelda passeront une grande partie de l’année 1926 dans cette villa de pierres blanches au bord de la Méditerranée. Il y écrira son quatrième roman, Tendre est la nuit, entre déjeuners au champagne, bains de mer et virées en coupé Renault sur la route de la côte. La Villa Saint-Louis sera transformée en hôtel en 1929 : le Bar Fitzgerald, son piano à queue et ses cocktails, ainsi que le prix littéraire Fitzgerald, organisé chaque année en juin, témoignent de ce chapitre d’insouciance.

La terrasse de l’hôtel Belles Rives, en 1950. © Hôtel Belles Rives

Le Normandy, Deauville

Les Américains sont arrivés à Deauville… en diligence ! Nous sommes en 1975 et le maire de cette station balnéaire du Calvados accueille l’équipe du film Nashville de Robert Altman pour la première édition du festival du film américain. Acteurs et jury ont élu domicile au Normandy, un palace de style anglo-normand à colombages inauguré en 1912. La tradition perdure : on y a aperçu Kristen Stewart, venue présenter en 2019 le biopic Seberg, Johnny Depp, héros du film En attendant les barbares, ainsi que les actrices Sienna Miller et Geena Davis.

La cour de l’hôtel Normandy, en 1920. © Georges Chevalier/Collection Archives de la Planète/Musée départemental Albert Kahn


Article publié dans le numéro d’avril 2020 de France-AmériqueS’abonner au magazine.