Les querelles commerciales franco-américaines (4/5) : Embargo sur la mimolette et le saucisson

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L’histoire franco-américaine est ponctuée de conflits commerciaux et diplomatiques, de la « chicken war » dans les années 1960 aux récentes annonces de Donald Trump sur la taxation des importations d’acier et d’aluminium européens. De boycotts en mesures protectionnistes, illustration de ces conflits en cinq épisodes retraçant l’histoire des produits interdits.


Episode 4 : La mimolette et les salaisons bannies par la Food Administration

Tout produit alimentaire importé aux Etats-Unis est réglementé. La douane, en charge des contrôles aux frontières, applique les mesures instaurées par la Food and Drug Administration (FDA) et par le département américain en charge de l’agriculture. Fromages au lait cru, charcuterie et foie gras français se voient régulièrement refuser l’entrée sur le territoire.

Ces deux institutions peuvent mettre en place des « mesures sanitaires » pour bloquer des denrées en cas de danger pour les consommateurs. Une conséquence de la crise sanitaire de la vache folle : le bœuf français a fait l’objet d’un embargo aux Etats-Unis de 1998 à 2017. « Les mesures de protection peuvent parfois être utilisées à titre opportun », explique Cécilia Bellora, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII). Elles servent occasionnellement de moyens non officiels de pression diplomatique.

Œuf pour œuf, dent pour dent

Le 24 février 2004, alors que les relations franco-américaines sont refroidies par la guerre en Irak, un foyer de contagion de grippe aviaire est découvert au Texas. Pour endiguer cette crise qui la touche également, l’Union Européenne suspend l’importation d’œufs, de volailles, et d’oiseaux de compagnie américains. Quelques heures plus tard, la FDA interdit l’importation de salaisons françaises (jambon, saucisson, charcuterie…) aux Etats-Unis. La France dénonce un choix « non motivé par la sécurité sanitaire ».

« Des auditeurs américains envoyés en France ont constaté que la manière de gérer les procédures sanitaires des entreprises françaises ne correspondait pas à leurs attentes », expliquait Elisabeth Descamps, expert en exportation des produits animaux chez FranceAgriMer, à France-Amérique en 2013. « L’hygiène était respectée, mais les Français n’en apportaient pas la preuve comme les Américains le souhaitaient. »

La situation reste bloquée jusqu’en 2011, date à laquelle les producteurs de jambon français reprennent les choses en main. Cette année-là, les autorités sanitaires américaines proposent des formations au règles d’hygiène aux employés des entreprises de salaisons, en France. Toutes les entreprises n’ont pas les moyens de se plier aux conditions d’hygiène ultra-strictes, mais certaines obtiennent le sésame pour le marché américain, comme Delpeyrat, qui réimporte depuis 2014 du jambon de Bayonne aux Etats-Unis.

La « putride » mimolette

La mimolette a connu un sort semblable. En 2013, ce fromage orange produit dans le Nord de la France, exporté pendant vingt ans sur le marché américain, se retrouve interdit du jour au lendemain. Mille cinq cents kilos restent bloqués dans un entrepôt du New Jersey, avant d’être détruits. Les actions de sensibilisation des amateurs réunis sous le slogan “Save the mimolette” et leurs distributions de fromage à Greenwich Village (New York) n’ont aucun effet.

Selon la FDA, la « boule de Lille » serait une nourriture « inadaptée ». Elle « semble être, en totalité ou en partie, composée d’une substance dégoûtante, putride, ou décomposée ». En cause : la présence de mites alimentaires dans la croûte (non comestible), vues comme de potentiels « allergènes ». Les fromagers français ont beau réclamer des données pour adapter leur production, et proposer de nouveaux conditionnements, rien n’y fait.

« Normalement, les mesures sont levées dès que le problème est résolu », observe Cécilia Bellora. Pourtant, en 2014, sans que sa recette ait changé, la mimolette réapparaît sur les étagères des épiceries fines de New York et les étals des crèmeries californiennes. Au risque, peut-être, de se voir à nouveau fermer la porte dans le futur.