La ville de Rochefort, sur la côte atlantique en Charente-Maritime, possède un prestigieux arsenal. Au XVIIIe siècle, plus de 240 navires de la flotte royale y sont construits. Parmi les plus légendaires, l’Hermione, la frégate qui en 1780 conduit le marquis de La Fayette aux côtés des insurgés américains qui luttent pour leur indépendance.
Deux siècles plus tard, débarrassées des ronces et de la mousse, les formes de radoub, ces bassins de pierre utilisés pour l’assemblage des bateaux au XVIIIe siècle, reprennent du service. On y entreprend la construction de la réplique de l’Hermione, un trois mâts de 65 mètres de long. Comme son aînée, la nouvelle frégate de la liberté a déjà écrit sa légende. Son histoire débute en 1986. Lors d’une soirée arrosée entre amis, l’idée de la construction d’un authentique navire du XVIIIe siècle est lancée. « Cap ? Chiche ! » Regroupés au sein de l’association Hermione-La Fayette, quatre passionnés se lancent dans une aventure qui s’avère plus compliquée qu’ils ne l’imaginent.
Un défi technique et financier
« Il a d’abord fallu retrouver les plans », explique Bénédict Donnelly, le président de l’association. « Ceux de l’Hermione sont perdus, mais les Britanniques ont conservé les plans de sa jumelle, la Concorde dont ils se sont emparés en 1783. » Un comité d’experts est créé pour retracer l’histoire du navire et de sa construction. Il faudra quatre ans pour reconstituer les plans. Deuxième étape : trouver de l’argent, 25 millions d’euros. Aujourd’hui le projet est financé par les 5 500 adhérents de l’association et par les visites du chantier, qui attire chaque année plus de 250 000 personnes. Le reste vient des entreprises et de l’Etat français.
Les travaux commencent le 4 juillet 1997, jour anniversaire de l’indépendance américaine. Le défi le plus difficile à relever c’est l’approvisionnement en bois, explique Jacques Haie, chef d’équipe des charpentiers : « Il a fallu parcourir la France à la recherche de chênes tors, pour fabriquer les pièces courbes du bateau. » Et ce n’est pas la seule problématique. « On a dû inventer des techniques spécifiques de séchage pour conserver une hydrométrie très précise sans fragiliser les bois. » Depuis quinze ans, planche après planche, Jacques Haie a vu naître ce bateau. « C’est un projet merveilleux », dit-il. « Je peux vous dire que quand on se lance, on donne son âme et c’est pareil pour tous les ouvriers. Je n’en dors plus la nuit. Ce bateau, on vit avec. »
Un puzzle de 400 000 pièces
Les charpentiers, forgerons, voilières et sculpteurs de marine ont dû réapprendre les gestes oubliés depuis deux siècles pour assembler les 400 000 pièces du bateau. Les gréeurs spécialisés, venus de Suède, sont chargés de la confection des 25 kilomètres de cordages en fibre de bananier des Philippines recouverts de goudron de pin. Les 19 voiles en lin sont cousues à la main, 2 000 mètres carrés, l’équivalent de douze terrains de tennis.
Les méthodes de construction et les matériaux utilisés sont les mêmes qu’il y a deux siècles mais il a fallu accepter quelques entorses à la fidélité historique, révèle Maryse Vital, déléguée générale de l’association. « La réglementation maritime a changé, le bateau sera équipé d’extincteurs, d’un moteur de secours et d’instruments de navigation modernes pour traverser l’Atlantique. On devait accepter ces compromis. »
Après quinze ans de patience, de passion et de folie, la structure du bateau est terminée. Dans six mois, le navire sera mis à l’eau, un événement grandiose, promet Bénédict Donnelly. « Le 6 juillet 2012 sera une grande fête chaleureuse, 100 000 spectateurs viendront du monde entier assister à la sortie du bateau. » Dans un premier temps, la flottaison du navire sera testée sur le fleuve la Charente. Une fois la voilerie et le gréement terminés, la frégate prendra la mer plusieurs fois, le temps de former l’équipage et de réunir les 3 millions d’euros nécessaires au financement de la traversée.
En 2015, l’Hermione mettra le cap vers les Etats-Unis dans le sillage de son aînée, en passant par la baie de Chesapeake, Annapolis, Philadelphie et Boston. L’Hermione devra relever un autre défi : arriver à temps, le 4 juillet 2015, au pied de la statue de la Liberté à New York.
L’Hermione en chiffres
Longueur : 65 mètres
Hauteur : 54 mètres
Construction : 2 000 arbres
Voilure : 4 000 mètres carrés, soit 12 terrains de tennis
Coût total : 25 millions d’euros
Visiteurs : 3,5 millions
Entretien publié dans le numéro de février 2012 de France-Amérique. S’abonner au magazine.