Le « Black Montmartre » des Harlem Hellfighters
Montmartre, 18e arrondissement
Le 369e régiment d’infanterie est historique à plus d’un titre. Ses soldats, tous afro-américains, combattirent vaillamment durant la Première Guerre mondiale sous les ordres des Français, héritant du surnom de « Black Rattlers » et de « Harlem Hellfighters ». Premiers soldats américains décorés de la Croix de guerre française, ils importèrent aussi et surtout le jazz en Europe. Séduits par Paris, une terre de liberté à leurs yeux, certains décidèrent de s’installer dans le nord de la capitale après la guerre. Leur « black jazz » enfiévra les petits cabarets du quartier de Montmartre et de Pigalle, jusqu’à son interdiction par les Allemands, en 1940.
Le Théâtre des Champs-Elysées et le triomphe de Joséphine Baker
15 avenue Montaigne, 8e arrondissement
En 1925, le noir est une couleur à la mode en France : on parle de « négrophilie ». Une troupe d’une vingtaine de danseurs et de musiciens venus de New York, la Revue Nègre, vient se produire au Théâtre des Champs-Elysées : parmi eux, le célèbre clarinettiste Sidney Bechet, qui s’installera à Paris lui aussi, et la géniale Joséphine Baker. Vêtue seulement d’un pagne de bananes, choquante et sensuelle, subversive et caricaturale, elle triomphe en dansant pour la première fois le charleston face à des Parisiens éberlués. Entre la « Perle Noire » et la France, c’est le coup de foudre : elle aura désormais « deux amours »… Devenue française en 1937, elle fera du contre-espionnage pour le compte de la France durant la Deuxième Guerre mondiale.
La Louisiane, l’hôtel favori de Miles Davis
60 rue de Seine, 6e arrondissement
A quelques minutes du Louvre, en plein quartier de Saint-Germain-des-Prés, ce petit hôtel s’apprête à fêter ses deux siècles d’existence. Il a pour lui l’un des plus beaux CV de la ville : y logèrent, entre autres, Salvador Dalí, Ernest Hemingway, Pablo Picasso, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. C’est aussi là que Miles Davis et la chanteuse française Juliette Gréco vécurent une histoire d’amour passionnée, en 1949. Pour le trompettiste américain, la France fut une révélation. Dans son autobiographie, il écrira : « C’était mon premier voyage à l’étranger et il a changé à jamais ma vision des choses. J’adorais être à Paris […]. Je ne m’étais jamais senti aussi bien de ma vie. »
Le Café de Flore, le bureau de James Baldwin
172 boulevard Saint-Germain, 6e arrondissement
Le Café de Flore, café-restaurant typiquement parisien, est un lieu historique du Tout-Paris littéraire et artistique, tout comme son voisin, Les Deux Magots. C’est sur l’une de ses tables que l’écrivain James Baldwin, à Paris depuis 1948, termina son roman Go Tell It on the Mountain (La Conversion), publié en 1953. La même année, toujours au Café de Flore, Baldwin retrouva son grand ami de toujours, le peintre Beauford Delaney, venu lui aussi s’installer à Paris. Continuez sur le boulevard Saint-Germain et tournez à droite sur la rue Tournon : vous tomberez sur le Café Tournon, autre établissement au glorieux passé littéraire, lieu de rendez-vous des écrivains Chester Himes et Richard Wright, eux aussi exilés à Paris.
La Sorbonne et le Congrès des écrivains et artistes noirs
17 rue de la Sorbonne, 5e arrondissement
Réunir des écrivains et des penseurs dont les pays d’origine sont des colonies : voilà l’idée du premier Congrès des écrivains et artistes noirs de 1956. L’événement eut lieu dans le bel amphithéâtre Descartes, à la faculté de la Sorbonne (qui se visite avec le campus, sur réservation). Le Congrès rassembla des intellectuels venus d’Afrique, des Antilles et des Etats-Unis, dont James Baldwin, Joséphine Baker et Richard Wright ; le militant des droits civiques W.E.B. Du Bois a quant à lui été retenu en Amérique par les autorités. Aux débats se joignirent Jean-Paul Sartre, Claude Lévi-Strauss, Aimé Césaire et Pablo Picasso, qui réalisa l’affiche de l’événement, restée célèbre. Cette réunion marquera les esprits et amorcera la vague de décolonisation des années 1960.
Chez Haynes, le restaurant favori des expatriés
3 rue Clauzel, 9e arrondissement
L’enseigne actuelle n’a hélas plus rien à voir avec celle de son ancien propriétaire, mais les murs sont restés les mêmes : jusqu’en 2009 se tenait au 3 rue Clauzel l’un des restaurants américains les plus prisés de Paris. Point de rencontre incontournable des expatriés comme des visiteurs américains, on y mangeait de la soul food du Mississippi en discutant avec l’inénarrable patron des lieux, Leroy Haynes, vétéran de la Deuxième Guerre mondiale, acteur de seconds rôles, champion de football américain et restaurateur ! On raconte qu’une fois, Louis Armstrong aurait écourté son concert en expliquant au public qu’un plat de haricots rouges et de riz l’attendait chez Haynes.
Article publié dans le numéro de septembre 2020 de France-Amérique. S’abonner au magazine.