C’est « de la lumière comme en Nouvelle-Angleterre », chanté par Henri Salvador, que les Français sont venus chercher à Boston. Même si l’hiver est rude, le soleil, lui, est toujours au beau fixe. Plus que le « jardin d’hiver » du célèbre jazzman français, la région demeure le berceau des Etats-Unis puisqu’en 1620, le Mayflower, un vaisseau marchand avec à son bord 102 immigrants anglais, débarqua à Plymouth non loin de Boston, formant ainsi la première colonie de l’Amérique. Avec des édifices datant de cette époque coloniale et un Downtown américain, Boston concilie le vieux et le nouveau continent.
Outre son poids historique et son côté européen, la ville est reconnue pour sa richesse culturelle grâce à ses musées, ses festivals, ses bibliothèques et ses universités. Boston et ses alentours ont séduit plus de 6000 Français. « La présence française à Boston est en parfaite harmonie avec la ville : comme Boston, elle peut se flatter d’un riche passé », estime François Gauthier, consul général de France à Boston. « Le consulat, créé le 21 janvier 1779, est ainsi le plus ancien consulat français aux Etats-Unis et fêtera l’année prochaine son 230e anniversaire. »
A la recherche de « cerveaux frais »
Harvard, le Massachusetts Institute of Technology (MIT), Boston College, l’université de Tuft, la liste est longue. Boston et ses environs regroupent des universités plus prestigieuses les unes que les autres, qui attirent des étudiants brillants issus des quatre coins de planète. Parmi eux, des Français qui ont traversé l’Atlantique pour profiter d’un enseignement de qualité et de la vie universitaire américaine.
Sur les marches du Stata Center sur le campus du MIT, cinq étudiants français font une pause déjeuner express. « C’est vrai qu’on est communautaires », reconnaît Laurent, en deuxième année de master. « Mais ça se voit plus car on n’est pas très bon en anglais », ajoute t-il avec ironie. Tous âgés d’une vingtaine d’années et membres du club francophone du MIT, ils sont venus à Boston pour préparer un master ou un PhD. « Ici, ce ne sont pas que des gens intelligents, ils sont aussi très passionnés », observe Noémie Chocat, en doctorat de science des matériaux. « Il n’y pas le côté blasé que j’ai connu en école d’ingénieur en France. »
Entre deux bouchées, Blandine Antoine fait elle aussi l’éloge des études dans cette institut technologique. « On est vu comme des créateurs de savoir et nos directeurs de recherches, nous considèrent comme leurs collègues. » Laurent s’emballe moins et tient à préciser que le rythme est bien plus soutenu qu’en France, laissant parfois moins de place aux loisirs. « Aux États-Unis, le travail est la valeur numéro 1. En fait, je culpabilise plus ici quand je ne fais rien », avoue t-il. »C’est vrai, mais je trouve que nos valeurs humaines sont aussi appréciées », précise Laure-Anne Ventouras, en troisième année de doctorat.
Flacons musicals, cadres de photo météorologique, lego mécanique et autres gadgets en tout genre : bienvenue au Media Lab, un laboratoire du MIT digne de celui du professeur Tournesol. « En ce moment cette lampe est toujours rouge, ce qui signifie que la bourse va mal ! », plaisante Cati Vaucelle. Après des études supérieures en France, l’élève studieuse voulait se lancer dans un doctorat pluridisciplinaire liant la linguistique, le design et l’informatique. « Les professeurs m’ont expliqué qu’il n’y avait aucune structure pour ce genre d’études. En France, on est très monodiscipline. » Elle a donc fini par postuler au MIT, qui lui permet de concilier sa passion pour l’art et les sciences. De plus, « ici, même pour ma maîtrise, j’étais soutenue financièrement. En France, je travaillais tout le temps pour pouvoir vivre », affirme-t-elle. Après une maîtrise à Harvard et au MIT, Cati Vaucelle, espère retourner en France à la fin de son doctorat. « C’est un sacrifice d’être à l’étranger », témoigne l’étudiante de 33 ans. « Je suis loin de ma famille et des mes amis. Je suis ici seulement parce que le travail est génial et que j’ai aussi l’impression que mon génie n’est pas reconnu en France, parce qu’il y a trop de barrières. Mais ça commence à changer ! »
Sylvain Bruni, un autre étudiant français du MIT, voit son avenir professionnel pour le moment à Boston. Il n’a même pas encore terminé son doctorat qu’il a déjà trouvé un emploi. « Les entreprises recrutent à la sortie des études pour pouvoir mettre le grappin sur les cerveaux frais », plaisante-t-il. Cet ancien élève de Supelec, en région parisienne, était venu pour une année dans le cadre de ces études à l’école d’ingénieur. Il a finalement décidé de rester et d’entamer un doctorat. « Il y a cinq ans, quand je suis arrivé ici, je dominais tout le monde. J’étais vraiment choqué par le niveau de maths. » Si tous les étudiants s’accordent à dire que l’enseignement de base en France est excellent, voire supérieur, ce sont les opportunités de travail qui sont plus rares. « J’ai toujours cette image que les surdiplômés ne sont pas embauchés », conclut le jeune homme de 27 ans.
L'autre Silicon Valley
Les activités portuaires ont été longtemps le moteur de l’économie de Boston, avant sa reconversion dans les industries de haute technologie. La ville est devenue la deuxième Silicon Valley des Etats-Unis. Avec des compagnies éparpillées le long de la Route 128, qui enserre la partie ouest de la ville, ou à proximité des universités, Boston attire de plus en plus de cerveaux français.
« La Silicon Valley californienne aurait pu me plaire si c’était près de San Francisco », estime Olivier Franza, ingénieur chez Intel. « Mais Parisien d’origine, je ne me voyais pas vivre dans une banlieue américaine. Boston est une ville assez conséquente mais qui reste à taille humaine. » Après des études d’ingénieur en France, un master et un doctorat à l’université de l’Illinois, son choix n’a pas été bien difficile à faire. « Il y avait plus d’offres d’emploi aux Etats-Unis. En plus, la reconnaissance au niveau financier des doctorats était sans commune mesure avec la France. » Outre l’aspect financier, la diversité au sein d’Intel est une véritable richesse pour les employés. « Qu’ils soient indiens ou suisses », résume l’ingénieur français, « la compagnie recherche des cerveaux point final ».
Ce cosmopolitisme est le reflet de Boston. « Ici, il y a une communauté de chercheurs issus de toutes les nationalités, je fais des rencontres intéressantes et nous partageons nos idées », explique Ophelia Eglène, professeur de sciences politiques à Middlebury College. Pour une période de deux ans, elle a quitté partiellement les bancs de son université du Vermont pour un poste de chercheuse au centre des études européennes de Harvard. « J’apprécie la quiétude de cette ville », témoigne la jeune femme de 36 ans. « En plus, elle offre un des meilleurs niveau de vie aux Etats-Unis. Ça ressemble à nos villes, on se sent donc moins perdu ici. Cette ville est idéale pour les Européens ! »
Bien que Boston ressemble pour certains à un petit coin de France, d’autres aimeraient tout de même retourner dans l’Hexagone. « Il ne faut pas se le cacher, je suis français et j’aimerais retourner dans mon pay,s mais il n’y a pas de boulot », admet Henri-Georges Lombart, chercheur scientifique à Wyeth Research. Après onze ans d’études supérieures en France, en Angleterre et au Canada, c’est finalement à Boston qu’il a posé ses valises. « Quand vous voyez que la France a mis à la retraite à 65 ans le professeur Luc Montagnier, qui a découvert le virus du Sida [et a reçu cettee année le prix Nobel de médecine], alors qu’il voulait et qu’il pouvait terminer ses recherches ! » s’exclame-t-il. « Il est alors venu aux Etats-Unis et il a eu tout ce qu’il voulait. J’appelle ça de l’exil volontaire. C’est dommage pour la France ! »
Article publié dans le numéro de décembre 2008 de France-Amérique. S’abonner au magazine.