Ceux qui ont déjà poussé la porte d’une boutique Christofle ont dû être surpris. Les couverts de grand-mère en argent massif n’y ont pas leur place ! Le flagship new-yorkais, à l’angle de Madison Avenue et de la 70e Rue Est, tient plutôt du showroom d’art contemporain. Les plateaux argentés de la maison y sont accrochés au mur tels des miroirs. L’abeille, motif phare de la maison, a inspiré au directeur artistique de la marque, Stéphane Parmentier, un mur fait d’alvéoles permettant de présenter les produits.
Les lignes de couverts intemporels de la maison, chic et sobres, y côtoient les dernières créations du studio Putman et les couverts fantaisistes, comme ceux, ciselés et gravés, de la collection du Jardin d’Eden. A côté d’un set de couverts de forme ovoïde en métal argenté et or rose répondant au nom conceptuel de MOOD trônent des candélabres articulés en acier du designer français Ora-ïto. Plus loin, on découvre une réplique miniature du Wild Kong, pièce iconique de l’artiste Richard Orlinski, et un set de brunch signé Jean-Marie Massaud.
Christofle, un self-made man
Si Christofle a toujours équipé les palaces, la marque a parié dès le début sur la modernité. Lorsque Charles Christofle, orfèvre et fondateur de la maison, dépose son poinçon de maître à la Garantie de Paris en 1832, il pressent l’avènement d’une société nouvelle. A l’époque, les aristocrates utilisaient encore des couverts en argent ou en or massif, le reste de la population se contentant de couverts en bois ou en étain. Convaincu par l’innovation technologique que représentent la dorure et l’argenture par électrolyse, permettant d’argenter les métaux à bas prix et à grande échelle, il achète les brevets en 1841.
Au même moment, la fin de la monarchie de Juillet marque l’avènement de la bourgeoisie d’affaires pour qui la salle à manger devient la pièce de la maison où s’expose la réussite. Cette nouvelle classe voit dans le nouveau procédé de Christofle, six fois moins coûteux, le moyen de briller à peu de frais. Le métal argenté, après tout, a la couleur de l’argent sans en avoir ni le poids, ni l’arrière-goût ! La ménagère Christofle se transmet en héritage, et son service de baptême avec timbale, rond de serviette et couverts en métal argenté gravés au prénom du bébé constituent le cadeau de naissance bon chic bon genre par excellence.
Du Normandie au Concorde
Chaque pièce est façonnée à Yainville, en Normandie, par les Meilleurs ouvriers de France. La maison fait appel à des techniques classiques de fabrication : travail au marteau, ciselure et gravure pour la finition ; patines, émaux cloisonnés et laques pour les couleurs, matriçage des couverts. Les matériaux employés pour les couverts sont l’or et l’argent en traitement de surface, le maillechort comme base des couverts en métal argenté. Le cuivre est utilisé pour la réalisation de la galvanoplastie massive ; l’étain, sous forme d’alliage, et l’acier pour les lames de couteaux.
Après la table de Louis-Philippe et celle de Napoléon III, Christofle équipe les palaces modernes que sont le Meurice, le Crillon, le Ritz, les ambassades de France dans le monde, le paquebot Normandie, l’Orient-Express et, symbole absolu de modernité à la française, le Concorde. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, la marque s’est développée aux Etats-Unis qui représentent aujourd’hui son premier marché après la France. Parmi les gros clients américains figurent les hôtels perpétuant le chic français, comme l’hôtel-casino Paris à Las Vegas.
Une première boutique avait ouvert ses portes à New York dès 1948. La marque compte aujourd’hui une douzaine de points de vente aux Etats-Unis. En plus de ses boutiques à Boston, Washington, Chicago, Miami, Dallas, Houston et Los Angeles, elle est aussi présente à Montréal au Canada, et possède des points de vente chez Saks Fifth Avenue, Bloomingdale’s et Bergdorf Goodman.
Article publié dans le numéro de décembre 2017 de France-Amérique. S’abonner au magazine.