Photographie

« Paris connaît un renouveau artistique ; c’est important pour Magnum d’être ici »

L’Américaine Samantha McCoy est la directrice de la nouvelle galerie Magnum à Paris, qui a ouvert ses portes le 22 octobre dernier pour coïncider avec l’anniversaire du fondateur de la célèbre agence, Robert Capa. Elle nous reçoit pour discuter de sa passion pour l’art et la photographie en particulier.
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La nouvelle galerie Magnum, dans le 11e arrondissement de Paris. © Magnum Photos

France-Amérique : Expliquez-nous le lien que votre famille entretient avec le monde de l’art et comment il a façonné votre rôle de galeriste ?

Samantha McCoy : Mon grand-oncle est Jackson Pollock. Il avait quatre frères, dont trois étaient des artistes. Le frère aîné de mon grand-père, Charles Pollock, s’est installé à Paris plus tard dans sa carrière. A travers eux, j’ai perçu l’art comme un moyen d’entrer en contact avec la société, car leur travail était intellectuel mais en phase avec tout ce qui se passait autour d’eux entre les années 1930 et 1970. Mon père a ouvert sa propre galerie à New York, la Jason McCoy Gallery, quelques années avant ma naissance. J’ai grandi dans cet environnement et j’en garde de précieux souvenirs. Mon père a toujours eu du mal avec la relation entre les artistes et les marchands d’art, la commercialisation de l’art d’une manière brutale. Je pense avoir dépassé cette problématique : les artistes doivent vivre. Si je peux contribuer à faciliter leur travail, en tant que galeriste, et à le faire connaître au public, c’est encore mieux.

Est-ce la première fois que vous vous retrouvez à la tête d’une galerie ?

Oui ! C’est un nouveau lieu et nous défendons cet espace pour nous repositionner dans le monde de l’art. J’ai travaillé pendant plusieurs années dans la galerie de mon père. A l’époque, elle était située dans le Fuller Building, sur la 57e Rue, où se trouvaient de nombreuses galeries de photographie, dont celle d’Howard Greenberg. Lorsque j’ai commencé à organiser des expositions, j’ai essayé d’introduire la photographie dans le dialogue. Au bout de dix ans, j’étais prête à partir et j’ai commencé à travailler pour Magnum à New York. Je faisais de la direction artistique dans le domaine digital, mais le circuit des galeries me manquait. Tout s’est mis en place lorsque je suis revenue à Paris et que j’ai pris la direction de la galerie Magnum.

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Bruce Davidson, East 100th Street, New York City, USA, 1966. © Bruce Davidson/Magnum Photos

Travailler avec les photographes de Magnum semble être le rêve de tout curateur…

Tout à fait ! Nous avons accès à toutes ces images uniques et à toutes les anecdotes de l’histoire de l’agence avec lesquelles je peux jouer. La galerie doit être un espace de travail avec les clients et les institutions. Il est important d’avoir un endroit où les gens peuvent se confronter à l’art. Il ne faut pas le cloisonner de quelque manière que ce soit. La photographie est un médium tellement accessible qu’il est important de la partager avec le plus grand nombre.

Qu’est-ce qui rend Magnum si spécial ?

Magnum est l’une des plus anciennes coopératives, sinon la plus ancienne, puisqu’elle a été créée en 1947. Ce qui la rend si spéciale, c’est son histoire : Lorsque vous voyez une photographie célèbre de ces 75 dernières années, il y a de fortes chances qu’elle ait été prise par un photographe de l’agence ! Magnum est ancré dans l’histoire de la photographie à bien des égards et englobe aujourd’hui un large éventail de photographes. Il existe cette idée fausse selon laquelle Magnum est réservé au photojournalisme. C’était vrai à l’origine, mais nous représentons aujourd’hui de nombreux styles photographiques. La galerie est un moyen de mettre en valeur la diversité de nos artistes. C’est cette histoire et cette diversité qui nous permettent d’observer l’histoire de la photographie au sein de l’agence.

Compte tenu de la crise du photojournalisme aujourd’hui, quelle est la prochaine étape pour une agence comme Magnum ?

C’est ce qui rend notre galerie si intéressante ! Le marché n’est pas le même qu’à l’époque de la création de Magnum, dans les années 1940. Les galeries et la photographie n’existaient pas sur le marché de l’art, alors qu’elles constituent aujourd’hui un puissant secteur. C’est très excitant d’être dans cette position où nous pouvons mettre en avant un autre aspect de la photographie. Nous sommes peut-être une petite division de l’agence, mais nous sommes très bien placés pour faire avancer le marché de la photographie et aider la coopérative à se développer.

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Khalik Allah, Harlem, New York City, USA, 2018. © Khalik Allah/Magnum Photos

Vous avez ouvert le 22 octobre avec la double exposition New York, avec les images de Bruce Davidson et Khalik Allah. Comment est né ce projet ?

Bruce Davidson est une figure emblématique de la photographie. Nous montrons deux de ses séries – « Subway », en couleur, et « East 100th Street », en noir et blanc – ainsi qu’une série de Khalik Allah, qui a rejoint Magnum l’an dernier. A eux deux, ils montrent New York, et notamment Harlem, sur une période de trente ans. Ils ont en commun de placer l’individu au centre de leurs images et de mettre en valeur des lieux et des sujets considérés sensibles.

Quelle est l’importance pour Magnum d’avoir un espace d’exposition en France ?

La photographie est née en France, mais la première exposition de photographie a eu lieu aux Etats-Unis. Il y a un dialogue entre les deux pays ! Paris connaît un renouveau artistique, avec de nombreuses galeries et institutions qui ouvrent de nouveaux espaces. C’est le moment opportun pour nous de faire partie de ce renouveau et de ce dialogue. Il est important pour nous d’être ici en tant que pilier de la photographie et voix importante de ce médium.


Galerie Magnum

68, rue Léon Frot
75011 Paris