French America

Un refuge royaliste français en Pennsylvanie

De nombreuses régions, villes, montagnes et rivières aux Etats-Unis portent des noms français. Ces toponymes témoignent de l’héritage français en Amérique du Nord. Chaque mois, l’auteur franco-américain Anthony Lacoudre décortique leurs racines. Ce mois-ci, le promontoire Marie-Antoinette en Pennsylvanie et une colonie française oubliée.
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© Mathieu Persan

En longeant la Route 6 entre la ville de Towanda et le village de Wyalusing, en Pennsylvanie, on découvre sur la droite un belvédère de pierre construit en 1930. Le promontoire domine une boucle de la rivière Susquehanna et le site du French Azilum : une colonie installée au bord de l’eau, imaginée pendant la Révolution pour accueillir la noblesse française et la reine Marie-Antoinette !

L’idée est celle de deux aristocrates royalistes : le vicomte de Noailles, qui participa à la guerre d’indépendance aux côtés de son beau-frère le marquis de Lafayette et reçu la capitulation anglaise à Yorktown, et le marquis Antoine Omer Talon, lui aussi député de la noblesse à l’Assemblée constituante. En 1793, ils sont en exil à Philadelphie où ils s’associent à deux financiers locaux pour vendre des parcelles de terre aux nobles français qui ont fui la Terreur ou la révolution haïtienne.

Sur quelque 800 hectares gagnés sur la forêt s’élèvent bientôt une trentaine d’habitations en rondins, un théâtre, quelques magasins, une chapelle et une école. La Grande Maison, avec deux étages, huit cheminées et un piano, doit accueillir Marie-Antoinette et ses enfants. Mais la reine n’atteindra jamais les Etats-Unis. La nouvelle de son exécution, le 16 octobre 1793, ne fait que renforcer l’intérêt que suscite ce village français. Le prince de Talleyrand et le duc de La Rochefoucauld-Liancourt se rendront sur place, ainsi que le futur Louis-Philippe Ier, qui sera le dernier roi de France à régner, de 1830 à 1848.

La colonie périclita après l’amnistie prononcée par Napoléon en 1803. La plupart des familles, peu convaincues par cette vie au grand air, rentrèrent en France. Bartholomé Laporte fit le choix de rester : son fils John deviendra député de la Pennsylvanie et construira à l’emplacement du French Azilum une maison qui abrite aujourd’hui un musée consacré à l’histoire de cet étonnant refuge royaliste en Amérique.

 

Article publié dans le numéro de juillet 2022 de France-Amérique. S’abonner au magazine.