Pendant un quart d’heure, nous avions parlé de tout et de rien : d’où on vient, où on est allé au lycée, où on habite et ce que l’on fait dans la vie. On a même passé en revue nos arbres généalogiques, au cas où nous aurions en commun un cousin germain éloigné. Pas exactement le genre de discussion qu’on imagine, en France, entre deux inconnus à un match de foot. Mais pour moi, américaine, rien de plus normal.
J’ai l’habitude de déballer ma vie à des inconnus. Vous avez peut-être déjà vécu ça, si vous avez dîné avec de nouvelles connaissances américaines ou si vous vous êtes trouvé à côté d’un bavard en faisant la queue à Trader Joe’s. C’est le côté « pêche » des Américains.
Dans son livre The Culture Map, Erin Meyer, professeure à l’INSEAD (Institut Européen d’Administration des Affaires) en région parisienne, emploie une métaphore pour évoquer les relations franco-américaines : elle compare les Américains à des pêches et les Français à des noix de coco.
Chez les Américains, le contact se fait facilement. Le small talk est fréquent. Ils ouvrent une partie de leur vie privée à qui veut en parler. Mais passé ce stade, ils deviennent plus distants et malgré un premier contact très chaleureux, une vraie relation n’est pas attendue. Comme avec une pêche, l’extérieur est facile à croquer, mais allez trop loin et vous atteignez le noyau, où la pêche protège son soi véritable.
Les personnes venant des cultures « noix de coco », comme les Français, les Russes ou les Allemands, décrivent souvent les Américains comme superficiels, voire hypocrites. Dans une culture « noix de coco », la coutume est de garder une certaine distance dans les premiers contacts. Il faut percer l’épaisse coquille, mais plus on avance, plus l’autre s’ouvre. Une fois qu’on arrive au cœur, la relation est solide et elle perdure.
Deux façons différentes d’aborder les autres
Cette différence pousse souvent les Français qui côtoient des Américains à s’exaspérer : « Ils te parlent comme si tu étais leur meilleur ami, puis plus rien ! » La frustration va aussi dans l’autre sens. Mes amis américains expriment parfois leurs ennuis avec ce qu’ils perçoivent comme une certaine fermeture chez les Français :
“I’ve been living in the same apartment for four years, and my neighbors still never say more than ‘Bonjour!’”
“I worked with Mathieu for a year before I even knew he had a son!”
“Nobody talks to each other here!”
Donc si on résume, pour les Français, les Américains sont superficiels et pour les Américains, les Français sont froids. Not exactly. Lorsque nous regardons l’autre culture avec nos yeux de pêche ou de noix de coco, c’est sûr que l’on va mal interpréter ce “Hey, Valérie, how ya doin’ today? Did you have a good weekend? How are the kids?” lancé avec enthousiasme, ou ce court “Bonjour” qui s’arrête là. Ce n’est ni de la superficialité, ni de la froideur, mais deux façons différentes d’aborder les autres.
Aux Etats-Unis, le small talk est notre façon de montrer notre sympathie et notre ouverture vers les autres – jusqu’à un certain degré. Mais surtout, nous voulons que notre interaction soit agréable, peu importe la suite. En France, nous gardons les détails de notre vie pour les relations que nous allons cultiver dans le temps. Quel intérêt de tout raconter tout de suite si c’est pour ne pas poursuivre le rapport ? Ça, c’est pour le cercle intime.
Dans la vie, certains préfèrent les pêches, d’autres les noix de coco. Mais impossible de dire objectivement que l’un est meilleur que l’autre.
Américaine installée en France depuis 2004, Christina Rebuffet a développé une technique d’apprentissage de l’anglais adaptée aux Français complexés par leur niveau d’anglais ou désireux de parfaire leur maîtrise de la langue sans prise de tête. Avec une attitude positive et encourageante, elle les aide à dépasser leurs blocages, en privilégiant l’oral et les exercices ludiques.