Photographie

Jean-Pierre Laffont : la noirceur de l’Amérique

De l’enterrement de Martin Luther King aux camps du Ku Klux Klan en Alabama, le photographe français Jean-Pierre Laffont, installé à New York, a saisi la noirceur et la violence de l’Amérique. La fin du rêve.
Funérailles de Martin Luther King à Atlanta, le 4 avril 1968. © Jean-Pierre Laffont

Arrivé à New York en 1965, à l’âge de 30 ans, le Français né en Algérie découvre un pays en pleine métamorphose. C’est le début de la génération sex, drugs and rock n’roll, le temps des émeutes raciales, des assassinats politiques et des révolutions sociales. Jean-Pierre Laffont sait être au bon endroit, au bon moment. Mais fauché, il doit suivre à la télé les marches de Martin Luther King en Alabama. « Je savais que je ratais quelque chose d’important. »

Il se rattrape en avril 1967. Devant le siège des Nations Unies à New York, le leader du mouvement pour les droits civiques prononce un discours contre la guerre au Vietnam, où les soldats afro-américains subissent de lourdes pertes. Jean-Pierre Laffont immortalise la scène : le gratte-ciel de l’ONU, noir et menaçant, se reflète dans les yeux du Dr. King.

jean-pierre-laffont-Martin-Luther-King-Portrait-UN-nyc
Martin Luther King devant le siège des Nations Unies, New York, le 15 avril 1967. © Jean-Pierre Laffont
jean-pierre-laffont-yale-black-panthers
Des militants du Black Panthers Party sur le campus de Yale, le 2 mai 1970. © Jean-Pierre Laffont

Un an plus tard, l’heure est au deuil et à la colère. Martin Luther King a été assassiné ; Jean-Pierre Laffont s’envole pour Atlanta et suit le cortège qui accompagne le pasteur vers sa dernière demeure. Les soldats en armes de la garde nationale encadrent la procession ; dans la foule, noirs et blancs brandissent des pancartes : « Honorez King : mettez fin au racisme ».

« Le rêve américain semblait se désintégrer », se souvient le photojournaliste français, qui recevra le 20 octobre prochain le Lucie Award pour l’ensemble de sa carrière. Il immortalise la militante Angela Davis à Madison Square Garden, le poing levé derrière la vitre pare-balle qui la protège, et se rend à la prison de Cummins dans l’Arkansas. Dans cette ferme pénitencière, les détenus, noirs pour la plupart, peinent dans les champs de coton sous le regard des gardiens à cheval. Comme si l’abolition de l’esclavage un siècle auparavant n’avait rien changé.

Puis vint la rencontre avec le Ku Klux Klan. « Leur leader m’a donné rendez-vous dans leur quartier général en Louisiane », témoigne Jean-Pierre Laffont. « Ils ont entouré cette croix métallique dans l’arrière-cour, qu’ils ont arrosée de gazoline avant d’y mettre le feu en chantant des chansons sur la supériorité de la race blanche. Ce genre de cérémonie existe toujours. Ce pays vit une pandémie plus grave que la Covid-19 : la haine raciale. »


Les images suivantes sont extraites du livre
Le paradis d’un photographe : Tumultueuse Amérique 1960-1990 de Jean-Pierre Laffont, publié aux éditions Glitterati en 2014, et ont fait l’objet en 2015 d’une exposition à la Maison Européenne de la Photographie à Paris.

Pénitencier de Cummins, dans l’Arkansas, le 3 février 1968. © Jean-Pierre Laffont
Funérailles de six prisonniers noirs tués lors du soulèvement de la prison d’Attica, Brooklyn, le 25 septembre 1971. © Jean-Pierre Laffont
Prison des « Tombs » à Manhattan, le 28 septembre 1972. © Jean-Pierre Laffont
Discours d’Angela Davis à Madison Square Garden, 29 juin 1972. © Jean-Pierre Laffont
Mohamed Ali invective Joe Frazier avant leur combat au Madison Square Garden, New York, le 23 janvier 1974. © Jean-Pierre Laffont
Rassemblement du Ku Klux Klan à Dunham Springs, en Louisiane, le 11 décembre 1976. © Jean-Pierre Laffont

Le meilleur de la culture française

Publié dans un format bilingue, en français et en anglais, le magazine France-Amérique s’adresse à tous ceux qui s’intéressent à la culture française et à l’amitié franco-américaine.

Déjà abonné ?