Arrivé à New York en 1965, à l’âge de 30 ans, le Français né en Algérie découvre un pays en pleine métamorphose. C’est le début de la génération sex, drugs and rock n’roll, le temps des émeutes raciales, des assassinats politiques et des révolutions sociales. Jean-Pierre Laffont sait être au bon endroit, au bon moment. Mais fauché, il doit suivre à la télé les marches de Martin Luther King en Alabama. « Je savais que je ratais quelque chose d’important. »
Il se rattrape en avril 1967. Devant le siège des Nations Unies à New York, le leader du mouvement pour les droits civiques prononce un discours contre la guerre au Vietnam, où les soldats afro-américains subissent de lourdes pertes. Jean-Pierre Laffont immortalise la scène : le gratte-ciel de l’ONU, noir et menaçant, se reflète dans les yeux du Dr. King.


Un an plus tard, l’heure est au deuil et à la colère. Martin Luther King a été assassiné ; Jean-Pierre Laffont s’envole pour Atlanta et suit le cortège qui accompagne le pasteur vers sa dernière demeure. Les soldats en armes de la garde nationale encadrent la procession ; dans la foule, noirs et blancs brandissent des pancartes : « Honorez King : mettez fin au racisme ».
« Le rêve américain semblait se désintégrer », se souvient le photojournaliste français, qui recevra le 20 octobre prochain le Lucie Award pour l’ensemble de sa carrière. Il immortalise la militante Angela Davis à Madison Square Garden, le poing levé derrière la vitre pare-balle qui la protège, et se rend à la prison de Cummins dans l’Arkansas. Dans cette ferme pénitencière, les détenus, noirs pour la plupart, peinent dans les champs de coton sous le regard des gardiens à cheval. Comme si l’abolition de l’esclavage un siècle auparavant n’avait rien changé.
Puis vint la rencontre avec le Ku Klux Klan. « Leur leader m’a donné rendez-vous dans leur quartier général en Louisiane », témoigne Jean-Pierre Laffont. « Ils ont entouré cette croix métallique dans l’arrière-cour, qu’ils ont arrosée de gazoline avant d’y mettre le feu en chantant des chansons sur la supériorité de la race blanche. Ce genre de cérémonie existe toujours. Ce pays vit une pandémie plus grave que la Covid-19 : la haine raciale. »
Les images suivantes sont extraites du livre Le paradis d’un photographe : Tumultueuse Amérique 1960-1990 de Jean-Pierre Laffont, publié aux éditions Glitterati en 2014, et ont fait l’objet en 2015 d’une exposition à la Maison Européenne de la Photographie à Paris.





