French Connection

Le San Francisco décapant des jeunes Français

La sublime baie de San Francisco accueille plus de 40 000 Français fascinés par sa douceur de vivre et son incroyable dynamisme économique. Les jeunes, en particulier, sont de plus en plus nombreux à venir s’y installer pour étudier ou se lancer dans la vie active. Portrait d’une jeunesse française tombée amoureuse de la ville et de ses alentours.
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© Chris Lawton

« Il suffit de se retrouver à des événements comme la course de Bay to Breakers pour comprendre la magie de San Francisco », explique Romain Colle, 25 ans, qui habite à quelques blocks du point de départ du fameux cross de la ville. Chaque premier dimanche de mai depuis 1912, cette course de 12 kilomètres qui relie la plage la plus au nord de San Francisco à celle du sud de la ville, est ouverte à tous. Seule condition : chaque participant doit arborer le déguisement le plus farfelu possible. « La coutume veut qu’un groupe de coureurs déguisés en saumons fasse toute la course à contre courant ! »

L’originalité de San Francisco, son atmosphère et ses traditions expliquent en partie pourquoi la ville du nord de la Californie attire tant de jeunes Français. Ainsi le jour de Pâques, une immense descente de tricycle est organisée dans la rue la plus en pente de cette cité de 765 000 habitants, surnommée « Frisco » par ses habitants. Adultes et plus jeunes dévalent la fameuse Lombard Sreet à califourchon sur des engins – n’importe quel engin – à roues. L’année dernière, Nicolas Faugnan, 25 ans, s’est acheté pour l’occasion un tricycle sur Craigslist, le site américain des petites annonces. Lui et d’autres amis français et californiens ne ratent pas un seul événement de ce genre. « C’est là le charme de San Francisco », explique le jeune homme.

Sortir dans « Frisco »

San Francisco regorge de lieux de sortie insolites. Anaïs Furia, étudiante en troisième année à l’université Paris Dauphine, vient de passer une d’échange à San Francisco State University. Elle connaît les bars et boîtes branchées de la ville sur le bout des doigts. « Le Minna est un lieu très fréquenté par les jeunes Français le mardi soir », raconte-telle. Cet endroit très à la mode situé dans le quartier de Downtown, non loin du Financial District, fait à la fois office de galerie d’art, de bar et de boîte de nuit. « Vous pouvez boire un verre tout en regardant les tableaux d’un artiste de la ville. » Tout comme New York, San Francisco a ses French Tuesdays, ces soirées chics organisées par de jeunes Français, où champagne et costume sont de mise.

« Pour les soirées plus informelles, vous pouvez également vous inscrire sur le groupe Facebook French Connection San Fransisco créé par Edouard Gasser, un ancien de l’ESCP [l’Ecole supérieure de commerce de Paris] qui propose de se retrouver entre Français une fois par mois dans un bon restaurant ou un bar », explique Ophélie Quint, en stage à la Chambre de commerce et d’industrie locale. L’esprit d’ouverture et la tolérance si caractéristiques à San Francisco, se retrouvent chez les Français venus s’y installer. « Je ne cherche pas à rencontrer des compatriotes à tout prix », raconte Pierre Souillot. En revanche, le jeune homme avoue souvent aller dans des restaurants français « pour retrouver la bonne nourriture de l’Hexagone ! » Selon le site internet du San Francisco Chronicle, le principal quotidien de la ville, San Francisco compte plus de 50 établissements culinaires français, tels que la Fringale, Ticouz ou encore Le Café Tartine.

Un pôle de recherche très attractif

« SF », comme les jeunes Français la surnomment, est aussi réputée pour ses grands centres universitaires. La ville compte à elle seule dix facultés sans oublier les illustres universités de Berkeley et Stanford, respectivement situées au nord-est et au sud-ouest de San Francisco. La faculté de médecine et de pharmacie de l’université de Califonie à San Francisco (UCSF) est la deuxième meilleure du monde, selon un classement de l’université de Shanghai. Sébastien de Feraudy, la trentaine, y fait de la recherche en cancérologie depuis trois ans. Lorsqu’on lui demande pourquoi il a choisi d’émigrer en Californie pour étudier, le jeune homme ne mâche pas ses mots : « C’est plus excitant aux Etats-Unis. Ici, il y a beaucoup plus de possibilités de financements, notamment grâce aux liens très forts qui existent entre la médecine, la recherche biomédicale et l’industrie des biotechnologies. Pendant que la France préserve ses avantages acquis et compte sur l’Etat pour la protéger de la réalité du monde moderne, en Californie on invente le futur. »

Selon Christophe Mustelli, attaché culturel auprès  de l’ambassade de France aux Etats-Unis, plus de 1 500 étudiants français sont inscrits dans l’une des universités de San Francisco. Ils sont treize au département de français de Berkeley et deux en philosophie. « Les meilleurs étudiants de France sont souvent tentés d’aller faire leur doctorat ou de prendre un poste de conférencier à Stanford ou Berkeley », explique Christophe Mustelli. Ainsi, Cécile Alduy, ancienne élève de l’Ecole normale supérieure, est professeure assistante au département de français de Stanford. Au printemps 2004, cette jeune femme brune d’une trentaine d’années a créé un festival de films français, From Script to Screen, afin de faire « un pont avec la culture américaine », dit-elle. « J’essaie d’éviter les films trop cliché sur les Français. En 2007, nous avions projeté L’Esquive d’Albellatif Kechiche [le réalisateur de La Graine et le Mulet]. »

Premier emploi dans la Silicon Valley

A quelques kilomètres au sud de San Francisco, la Silicon Valley est l’une des régions les plus dynamiques au monde dans le domaine de la haute technologie et de l’environnement. Beaucoup d’ingénieurs français y décrochent leur premier emploi. Selon le consul de France à San Francisco, Pierre François Mourier, « 8 000 Français environ travaillent dans les emplois liés aux technologies ». Laetitia Malphettes, 25 ans, fait de la recherche pour Genetech, l’une des entreprises fondatrices de l’industrie biotechnologique [l’utilisation des informations génétiques pour développer et commercialiser les biothérapies]. Elle fait de l’ingénierie génétique de cellules de mammifères pour la production de protéines recombinantes. « Je fais de la recherche pour améliorer les cellules et finalement produire plus et plus vite », explique-t-elle.

Après avoir effectué sa troisième année de Centrale Paris en double diplôme à Stanford, Romain Colle, lui, a choisi de rester en Californie. « Les offres dans le domaine de l’informatique étaient plus intéressantes ici et beaucoup mieux payées qu’en France. » Le jeune homme, quand il ne dévale pas les rues de la ville en tricycle, travaille désormais pour Oracle, le plus grand éditeur de logiciels d’entreprises, et est notamment en charge du développement des bases de données. Un environnement professionnel et un cadre de vie qui lui permettent de vivre, comme beaucoup de jeunes Français établis dans la région, le rêve californien à fond.


Article publié dans le numéro de juillet-août 2008 de France-AmériqueS’abonner au magazine.