France-Amérique : Comment êtes-vous venue à incarner Edith Piaf dans ce spectacle ?
Anne Carrere : En 2014, j’ai décroché le rôle d’Edith Piaf dans Paris ! Le Spectacle, un hommage aux « plus grandes chansons françaises » de l’après-guerre produit par Gil Marsala. Réalisant le succès du spectacle, le producteur m’a proposé de travailler à un spectacle sur la vie de Piaf, adapté du film La Môme d’Olivier Dahan. En janvier 2015, on terminait l’enregistrement des démos des chansons lorsque l’on a reçu un appel : « Vingt-trois scènes en Pologne puis au Brésil ; vous partez en tournée ! »
Vous jouez le rôle d’Edith Piaf sans interruption depuis presque trois ans. Les médias vous décrivent comme « l’héritière musicale d’Edith Piaf ». Craignez-vous d’être assimilée au personnage ?
Pas du tout ! Mon rôle est plus une interprétation qu’une incarnation. Je respecte sa prononciation, sa façon d’articuler les mots ou de rouler les « R » – c’est un élément important que le public a besoin de retrouver –, mais je ne suis pas Edith Piaf. Lorsqu’ils entendent ma voix, les gens se disent : « Mon Dieu ! Quelle ressemblance ! » Mais je n’ai pas eu la même vie qu’Edith Piaf. Je n’ai pas eu les mêmes déboires, ni les mêmes émotions. Je ne peux pas chanter ses chansons de la même façon ; je les chante à ma manière. La chanteuse Germaine Ricord m’a aussi beaucoup aidé. Une amie de Piaf, elle a fait la première partie de ses concerts pendant trois ans. « Tu ne seras jamais Piaf, alors n’essaye pas de l’imiter », m’a-t-elle dit. « Respecte ses textes et donne ton âme sur scène ! »
En janvier, votre concert coïncidera avec le soixantième anniversaire du concert de Piaf à Carnegie Hall, le 13 janvier 1957. Quelle importance cette date a-t-elle eu dans la carrière de la chanteuse ?
Edith Piaf avait déjà chanté à New York auparavant, mais ses spectacles, tout en français, n’ont pas marché. Les Américains ne comprenaient pas. Parce qu’elle ne parlait pas un mot d’anglais, la première expérience de Piaf aux Etats-Unis a été difficile. Pour revenir sur ses échecs précédents, elle a pris des cours d’anglais et fait traduire plusieurs chansons de son répertoire dont « Hymne à l’amour », « La vie en rose » et « Les feuilles mortes ». C’est ce concert de 1957, un immense succès, que les gens ont retenu. Avec ce concert, c’est le triomphe de Piaf aux Etats-Unis que nous célébrons dans le spectacle.
Les années difficiles puis la gloire. En deux parties distinctes, votre spectacle reflète lui aussi la vie de la chanteuse. Pourquoi ce choix d’un scénario ?
Au départ, les chansons devaient s’enchaîner comme un récital. Puis nous avons eu l’idée de scénariser le spectacle et de raconter une histoire similaire au film La Môme. Dans une première partie, Piaf est à la rue : elle « essuie les verres au fond du café » et chante dans les cabarets de Pigalle et de Montmartre. Ses quatre musiciens sont habillés comme des titis parisiens. Dans la seconde partie, les musiciens sont en costume. Piaf est à son apogée : dans sa fameuse robe noire, elle chante sur la scène de l’Olympia à Paris – mais ce pourrait très bien être Carnegie Hall à New York, la salle la plus prestigieuse du monde !