France-Amérique : Pour résumer, vous êtes passé de basketteur de haut niveau à patron d’une chaîne de cafés par amour ?
Benjamin Sormonte : Après mon bac en France, j’ai obtenu une bourse pour aller jouer au basket à l’University of South Alabama puis j’ai rejoint l’université Concordia, à Montréal, où j’ai continué à jouer avant de faire un master en finance à HEC Montréal, puis du droit à McGill. C’est à Montréal que j’ai rencontré ma femme, Elisa Marshall. Elle travaillait dans l’évènementiel. Elle m’a suivi à Toronto et à Londres, où j’étais devenu avocat d’affaires. J’aimais bien ce que je faisais, mais je ne me voyais pas rester dix ans dans ce secteur. J’avais envie d’être plus créatif. L’opportunité s’est présentée et nous avons décidé de faire le grand saut. Nous avons ouvert avec des amis un restaurant à Ibiza, puis un bar à vin à New York. Elisa rêvait d’ouvrir un café. A cette époque, il y avait beaucoup de coffee shops à New York, mais sans le côté boulangerie. Il y avait également de bonnes boulangeries, mais qui n’offraient pas de café. Je lui ai dit : « Nous sommes maintenant lancés dans l’industrie, tentons l’aventure. » Nous avons ouvert le premier Maman à SoHo en 2014. Nous avons eu de la chance : les gens ont apprécié le concept et ça a décollé très rapidement.
D’où vient le nom Maman ?
C’est un hommage à nos mamans ! Un jour, j’ai demandé à Elisa quel était son chef préféré. Elle m’a répondu : « Ma mère. » Quand elle m’a retourné la question, j’ai moi aussi dit : « Maman ! » A l’origine, le menu comportait beaucoup de recettes familiales, comme un sablé au citron qu’on a appelé « Gracie », du nom de la grand-mère d’Elisa. La carte a depuis évolué, mais nous proposons toujours la quiche lorraine. Et nous avons choisi un décor qui nous ressemble. Je suis né à Puyricard, près d’Aix-en-Provence, et j’ai grandi à Montpellier dans la cuisine un peu rustique de ma maman. Le père d’Elisa était antiquaire et la plupart des meubles de nos cafés ont été chinés en France. Le plus beau compliment, c’est lorsqu’on me dit, en entrant chez Maman, que l’on a l’impression de découvrir une maison du sud de la France.
Votre cookie aux pépites de chocolat est devenu célèbre grâce à Oprah Winfrey, qui l’a inscrit en 2017 à la liste ses « choses favorites ».
Nous nous disions que c’était important d’avoir un cookie sur le menu. Nous avons travaillé sur une recette entre le cookie et le biscuit à la française, avec du beurre. Nous ne l’avions pas anticipé, mais c’est devenu un produit phare !
Tout est fait maison ?
Oui, sauf le pain. Nous le faisions nous-mêmes au départ, mais nous manquons maintenant de place en raison de notre essor, donc nous l’achetons. Nous avons une cuisine centrale pour chaque marché régional. Tout est frais et produit sur place. Le beurre et le chocolat viennent de France, mais nous utilisons aussi d’excellents produits américains. L’offre est à peu près la même d’une ville à l’autre. A Washington, face à la demande, nous avons créé un club sandwich. C’est un tel succès que nous allons sans doute le mettre au menu ailleurs.
Quel a été l’impact du Covid ?
Ça a été, comme pour tout le monde, une période difficile. Mais ça nous a aussi donné le temps de souffler, de découvrir d’autres marchés, comme Washington, et d’améliorer le concept. Par exemple, nous nous sommes aperçus que vendre en ligne des boîtes de douze cookies, c’était trop, surtout à une période où les gens se fréquentent moins. Nous avons alors eu l’idée de vendre la pâte à cookies et de laisser aux clients le soin de la cuire à leur gré. Nous avons aussi livré 2 000 à 3000 petits déjeuners par semaine pour le personnel soignant des hôpitaux. Nous continuons à en distribuer entre 500 et 600. Nous ne gagnons pas d’argent sur cette opération, mais ça nous a permis d’employer des salariés, de rencontrer de nouvelles personnes et de remercier ce personnel.
Depuis la pandémie, vous mettez les bouchées doubles.
Fin 2020, nous avons levé des fonds auprès de deux investisseurs : l’un français, HPC Capital, l’autre américain, TriSpan. Aujourd’hui, nous comptons 30 magasins à New York, à Toronto, à Montréal, dans la banlieue de Philadelphie et à Washington. Le prochain marché, c’est Miami. Ouvrir des cafés, c’est un peu comme une drogue. Quand on le fait une fois, on a envie de le refaire !
Il existe aux Etats-Unis et au Canada de plus en plus de cafés-boulangeries avec un nom français, même s’ils ne le sont pas tous. Ça vous inquiète ?
La concurrence est positive. Ça prouve que ce type de produit séduit un large public. Le marché potentiel est très vaste. Et puis tous ces cafés offrent une expérience très éloignée de la nôtre. Au menu de Paris Baguette, une chaîne coréenne, on trouve une pâtisserie sous cellophane à emporter. Le Pain Quotidien, une enseigne américaine d’origine belge, n’est pas axé sur le café. Celui qui se rapproche le plus de Maman, c’est Tatte, qui fait café et boulangerie dans le Massachusetts et la région de Washington et se focalise sur le déjeuner.
Comment vous diversifiez-vous ?
Nous avons publié un livre de recettes en 2021 et vendrons bientôt du granola ainsi que des confitures maison. Nous proposons aussi un service traiteur et nous faisons de l’évènementiel – c’est un secteur qui se développe de plus en plus. Ça s’est fait un peu par hasard. Un jour, nous avons organisé une fondue dans un de nos cafés et les billets se sont vendus en une heure. Nous avons commencé à créer des évènements sur place, mais également chez les gens, pour des baby showers, par exemple. Nous étions aussi présents à la Fashion Week de New York.
Pensez-vous à de nouveaux projets ?
Non, pour l’instant, nous sommes assez occupés comme ça ! Nous allons nous concentrer sur l’ouverture de cafés à Miami et à Washington. Nous pensons ouvrir dix à douze magasins par an en Amérique du Nord. Il y a tellement d’opportunités, c’est très excitant !
Maman, the Cookbook: All-Day Recipes to Warm Your Heart de Elisa Marshall et Benjamin Sormonte, avec Lauren Salkeld, Clarkson Potter, 2021.
Entretien publié dans le numéro de juillet-août 2023 de France-Amérique. S’abonner au magazine.