Au mois de April, la Revue des Deux Mondes annonçait un numéro spécial sur « l’incroyable saga du cognac » avec, en couverture, le rappeur Snoop Dogg et le basketteur Stephen Curry. Le premier a été l’égérie du cognac Landy, produit par Maison Ferrand. (Sa recette de Noël ? « Du Landy dans mon lait de poule ! ») Le second, dans son maillot des Golden State Warriors, incarne le partenariat signé en 2021 entre la NBA et Hennessy, le leader mondial du cognac.
Les grandes maisons du sud-ouest de la France écoulent depuis toujours leur nectar aux Etats-Unis – on dit que l’Hermione, la frégate qui convoya Lafayette vers Boston pendant la guerre d’indépendance, transportait aussi une cargaison de cognac Hennessy ! Cette histoire transatlantique a très tôt séduit la communauté afro-américaine : Schieffelin & Co., l’importateur new-yorkais d’Hennessy, parraine le Tuskegee Institute de Booker T. Washington et la NAACP dès le début du XXe siècle, et la marque s’offre des publicités dans les magazines Ebony et Jet à partir des années 1950. Jusqu’à l’entrée fracassante du cognac dans les tubes de rap et hip hop. Sous la plume de Jay-Z en 1996, le cognac Rémy Martin devient un symbole bling-bling de réussite sociale, une référence chic au Vieux Continent.
« Fais tourner le Courvoisier », enchaîne Busta Rhymes en 2002, propulsant de 30 % les ventes de la marque. Réponse de 2Pac, deux ans plus tard, sur fond d’accordéon : « Ils veulent connaître mon modèle de conduite, il se trouve dans une bouteille marron ! Hennessy ! » Drake, un verre du même cognac à la main, refuse de quitter le dancefloor dans sa chanson « One Dance ». Et dans « Birthday », Timbaland sort le grand jeu pour son « bébé » : hôtel cinq étoiles, chambre grand luxe et bar à cognac. Les femmes ne sont pas en reste. Cardi B apprécie un « Henny drink » avant l’amour et Megan Thee Stallion s’est autoproclamée « reine du cognac ».
Une bouteille sur deux s’exporte en Amérique
Le pays de l’Oncle Sam, premier marché à l’export loin devant Singapour et la Chine, absorbe 53 % de la production : 121,9 millions de bouteilles vendues aux Etats-Unis entre août 2020 et juillet 2021, contre 5,4 millions en France. Une consommation exponentielle, malgré le droit de douane de 25 % imposé depuis décembre 2020, imputée en grande partie à la communauté afro-américaine. Quelle marque n’a pas son partenariat avec un rappeur? Hennessy avec Nas, Louis XIII avec Pharrell Williams, Rémy Martin avec Usher, Martell avec Quavo, Naud avec Jeezy… Ce dernier s’affiche régulièrement sur Instagram dans son blouson aux couleurs de la distillerie française !
L’eau-de-vie que Victor Hugo appelait « liqueur des dieux » jouit également du retour en force du cocktail. Encadré par une appellation d’origine contrôlée et vieilli exclusivement en fûts de chêne, le cognac fait le bonheur des mixologues. Il entre dans la composition de plusieurs classiques américains – le mint julep, le sidecar, le sazerac – et dans plusieurs créations contemporaines. A l’occasion de National Cognac Day, le 4 juin aux Etats-Unis, pourquoi ne pas commander un french negroni, qui remplace le gin de la recette originale par du cognac, ou un manhattan royal, qui substitue le whiskey au cognac? Ou le bien nommé beautiful cocktail, associant à parts égales cognac et Grand Marnier ? A déguster dans un verre ballon, pour profiter un peu plus longtemps des arômes !
Article publié dans le numéro de mai 2022 de France-Amérique. S’abonner au magazine.