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L’Orient-Express, une légende sur rails

Cent quarante ans après son premier voyage le 5 juin 1883, l’Orient-Express continue de fasciner. Des images d’archives, dévoilées dans un beau livre publié en 2020, nous plongent dans l’ambiance de ces voyages mythiques réservés à une clientèle en quête d’aventures et d’exotisme.
Passagers à bord du Taurus-Express à destination de Bagdad, en 1969. © Fonds de dotation Orient-Express

Créé en 1883 par la Compagnie internationale des wagons-lits, l’Orient-Express fut le premier train international de luxe, reliant Paris à Constantinople en seulement 81 heures. C’est à un ingénieur belge, Georges Nagelmackers, que l’on doit sa construction. En 1867, parti aux Etats-Unis afin d’oublier un chagrin d’amour, il découvre les sleepings cars inventés par George Pullman. Homme de flair, il décide de proposer une expérience luxueuse d’hôtellerie roulante reliant l’Orient et l’Occident en un temps record, depuis la gare de l’Est à Paris jusqu’à l’actuelle Istanbul, via Strasbourg, Munich, Vienne, Budapest et Bucarest.

Le train est un fleuron de modernité : chauffage central, eau chaude et éclairage au gaz. Et de raffinement : ses intérieurs sont tapissés, ses sanitaires en marbre, ses draps en soie. Le décorateur René Prou ornemente les wagons d’éléments Art déco, de fleurs stylisées et de bronze poli. René Lalique, maître de l’Art nouveau, réalise la décoration des wagons-restaurants avec des panneaux de verres soufflés et des boiseries d’acajou de Cuba. Les voyageurs dorment aussi bien que dans leur propre lit, après avoir goûté à une gastronomie digne des plus grandes tables parisiennes. Au menu : œufs brouillés aux truffes, aspic de foie gras à la Lucullus, parfait aux pralines…

Raconté, écrit, filmé, photographié, l’Orient-Express devient rapidement un objet culturel universel. Il cristallise aussi des enjeux économiques et géopolitiques en traversant sans encombre les frontières d’états et d’empires. Les clients sont encore ses meilleurs ambassadeurs : artistes, diplomates, écrivains et hommes d’affaires participent largement à la renommée du plus beau train du monde. L’espionne Mata Hari, l’aventurier Lawrence d’Arabie, l’artiste Joséphine Baker, Coco Chanel, le poète Jean Cocteau, Ferdinand de Bulgarie, Sigmund Freud, la star de cinéma Marlene Dietrich (et son amant Jean Gabin) ou encore l’écrivain Ernest Hemingway ont ainsi voyagé à son bord.

L’Ankara-Express reliant Istanbul à la capitale turque, longeant la mer de Marmara, en 1956. © Fonds de dotation Orient-Express
Photographie publicitaire pour la promotion des nouvelles voitures-lits « Lx » de la Compagnie internationale des wagons-lits, vers 1930. © Fonds de dotation Orient-Express
Passagers en voiture-bar lors de l’inauguration d’un train de la compagnie, en 1933. © Fonds de dotation Orient-Express
Mannequins posant à bord d’une voiture-salon Pullman aux décors signés René Lalique, vers 1970. © Fonds de dotation Orient-Express

Outre des affiches publicitaires et documents écrits, le beau livre Orient-Express & Co révèle des centaines de photographies, dévoilant les habitudes des stars. L’actrice Sophia Loren endormie, recroquevillée sur son siège. L’écrivain Georges Simenon fumant une pipe à une fenêtre. La chanteuse et actrice Jeanne Moreau qui salue un photographe d’un wagon. Mais c’est la romancière Agatha Christie, avec son livre au succès planétaire Le Crime de l’Orient-Express, publié en 1934 (et adapté au cinéma avec Lauren Bacall, Ingrid Bergman et Sean Connery en 1974), qui fera du train lui-même un personnage de légende pour la postérité.

Pendant que les mannequins prennent la pose à bord d’une voiture-salon Pullman et que les hommes d’affaires dégustent une oie de Styrie rôtie, des hommes et des femmes travaillent, en coulisses, à la matérialisation de l’art du voyage durant ces années folles. C’est ce que montrent aussi les images et ce qui fait tout l’intérêt du livre : le visage des ouvriers qui ont mis sur pied cette prouesse technologique et l’histoire de ceux qui, dans les blanchisseries ou les ateliers, les magasins, les cuisines centrales ou encore les caves à vin travaillent d’arrache-pied pour assurer, jusqu’à son dernier voyage en 1977, le train de vie exceptionnel de l’Orient-Express.


Orient-Express & Co : Archives photographiques d’un train mythique de Eva Gravayat et Arthur Mettetal, Editions Textuel, 2020.


Article publié dans le numéro de mars 2021 de France-AmériqueS’abonner au magazine.

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