Tout semblait clair. Elève dans un lycée de province, Lisa Charvet avait accusé Marco Lange, un plâtrier, de l’avoir violée. Tous, de ses professeurs à ses parents, avaient cru son témoignage et l’agresseur présumé avait été condamné à dix ans de prison. Cinq ans plus tard, alors que va s’’ouvrir un procès en appel, la jeune femme décide brusquement de changer d’avocat. Elle choisit Alice Keridreux – la cinquantaine un peu lasse, habituée des assises – parce qu’elle veut être défendue par une femme. Le coup de théâtre survient à quelques jours du procès : Lisa, à qui Alice demande de remonter la chronologie des faits, avoue brusquement qu’elle a menti. La victime va-t-elle se transformer en coupable ?
On aurait pu craindre, au vu de l’argument, une charge contre les dommages collatéraux de la libération de la parole après #MeToo. Mais rien, dans le premier roman de Pascale Robert-Diard, n’est tout noir ou tout blanc. A l’exception peut-être du personnage de Maître Théry, l’avocat de l’agresseur présumé, vieux briscard naufragé de l’ancien monde. Fine connaisseuse des rouages de la justice, des grands procès aux comparutions immédiates, la journaliste et romancière bâtit une fiction autour du face à face de deux femmes issues de générations et de milieux sociaux différents. Alice, dont les enfants sont adultes, est déroutée par les revendications féministes des jeunes femmes. Lisa, adolescente en réelle souffrance, moquée et abusée à cause de son corps trop précoce, a trouvé dans ce statut de victime une manière d’exister.
De la première rencontre au seuil de la plaidoirie, Pascale Robert-Diard décortique, à travers les yeux d’une avocate qui doute, la mécanique du mensonge et ce que chacun projette sur cette histoire. Pour de bonnes ou de mauvaises raisons.
La Petite Menteuse de Pascale Robert-Diard, L’Iconoclaste, 2022. 216 pages, 20 euros.
Article publié dans le numéro de février 2024 de France-Amérique. S’abonner au magazine.