Entretien

« Boston foisonne d’étudiants et de chercheurs francophones »

A 75 ans passés, le French Cultural Center de Boston porte beau. L’organisation a transféré l’ensemble de ses activités en ligne et a profité de la fermeture occasionnée par la pandémie pour rénover de fond en comble ses locaux, un hôtel particulier de style victorien érigé en 1867. Sa directrice exécutive, Barbara Bouquegneau*, évoque l’année passée et la réouverture, envisagée pour le mois de janvier 2022. Son mot d’ordre ? « Communauté et flexibilité. »
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© French Cultural Center, Boston

France-Amérique : Comment la pandémie affecte-t-elle les activités du French Cultural Center ?

Barbara Bouquegneau : Nous avons perdu beaucoup d’étudiants au début, particulièrement les enfants qui suivaient nos cours de français. Mais nous avons vite réagi. Les sondages que nous envoyons régulièrement nous ont beaucoup aidés pendant cette période. Nous avons proposé plus de cours, sur une durée plus courte – cinq semaines au lieu de dix – et nous avons transféré en ligne la plupart de nos activités. La fréquentation de notre programme d’été pour les enfants a diminué, mais nous avons gagné des adultes qui ne pouvaient pas voyager. Nous avons aussi touché de nouveaux francophiles qui habitaient trop loin de Boston pour se rendre dans nos locaux : nous avons maintenant des membres et des étudiants en Californie, au Texas, au Nouveau-Mexique et même au Brésil !

Vous avez également profité de cette fermeture forcée pour faire des travaux…

C’est le bon côté de la pandémie. Les travaux, estimés à six millions de dollars et financés en grande partie par des dons, ont démarré en octobre 2020 et se prolongeront jusqu’en janvier 2022. Nous construisons de nouvelles salles de classe, des espaces communs et une cave à vin, nous rénovons la cuisine pour y proposer un programme de gastronomie et d’œnologie et nous installons enfin un ascenseur ! Nous en profitons pour améliorer le système de ventilation et installer des caméras pour filmer nos évènements et les diffuser en ligne. Nous rouvrirons en grande pompe pour fêter notre 75e anniversaire, bousculé par la pandémie.

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Barbara Bouquegneau. © Josh Stone/French Cultural Center, Boston

Comment le French Cultural Center de Boston est-il né ?

En 1940, le chapitre local de l’organisation France Forever a ouvert une petite bibliothèque, avec un fonds d’environ 500 livres français donnés par le consulat. Avec la fin de la guerre, France Forever est dissoute et une dizaine de membres créent The French Library in Boston. Avec 30 000 volumes, nous sommes aujourd’hui la première bibliothèque privée de livres français aux Etats-Unis ! A partir des années 1950, nous nous sommes développés en centre culturel sous l’influence du général français Georges Doriot et de sa femme américaine Edna. Lui est considéré comme le père du capital-risque, qu’il a enseigné à la Harvard Business School, et fut l’un des cofondateurs de l’INSEAD, une prestigieuse école de commerce international en région parisienne. Elle sera présidente de la French Library jusqu’à son décès en 1978 : elle arrangera le don du bâtiment au 53 Marlborough Street et permettra la création d’un fonds de soutien, dont le centre continue de recevoir les bénéfices. En parallèle, l’Alliance Française de Boston & Cambridge existait depuis 1898. Les deux associations ont fusionné en 2000 et ont adopté le nom de French Cultural Center en 2010.

Quel type de programmes organisez-vous en ce moment ?

Avec Zoom, c’est très facile d’inviter des personnalités comme Valerie Steele, la directrice du musée de la mode au FIT de New York, ou David Lebovitz, bloggeur culinaire américain installé à Paris. Ces rencontres ont beaucoup de succès. Notre bibliothèque, quoique limitée, reste ouverte : nos membres réservent leurs livres en ligne et viennent les retirer chez notre partenaire, le restaurant français La Voile et son bar à vin ! Le président de notre conseil d’administration, Steven Galante, organise des visites en français des quartiers de Boston et je prépare un circuit sur le thème du cinéma : L’Affaire Thomas Crown, Les Infiltrés, Spotlight, le dernier SOS Fantômes… Nous organisons le 22 mai prochain une visite guidée du jardin de sculptures du deCordova Museum. Et cet été, nous aimerions organiser Summer in French, notre programme d’été, dans une école à côté de Cambridge : nous sommes en train de sonder les parents, qui sont encore très frileux. Nous déciderons de le maintenir en présentiel ou de le verser en ligne le 1er juin, selon le nombre d’inscriptions.

Qui sont vos membres ? Quelles sont les spécificités des francophiles et francophones de Boston ?

Comme toutes les Alliances Françaises, nous accueillons des Américains qui sont amoureux de la culture française. Certains sont attirés par la Ville Lumière, le béret et la baguette ; d’autres par l’art, l’histoire, l’innovation ou la langue française. Nos membres sont américains à 70 %. Par ailleurs, Boston et Cambridge représentent la plus grande densité d’institutions académiques du pays avec en tête Harvard et le MIT. Ce qui attire énormément de start-up françaises dans le domaine de la technologie, de l’informatique et du biomédical. La ville regorge d’étudiants et de chercheurs francophones et le quartier de Kendall Square, à Cambridge, champignonne ! Les universitaires et entrepreneurs expatriés, qui ne restent souvent que quelques années, apprécient les ressources que nous offrons : la bibliothèque et des occasions de faire du réseautage.

Comment êtes-vous arrivée à Boston ? Vous êtes originaire de Belgique, c’est bien ça ?

Je suis montoise ! J’ai fait des études d’ingénieur civil électricien à la faculté polytechnique de Mons, en Belgique, mais ma grande passion a toujours été le cinéma. En parallèle de mes études, j’étais très impliquée dans les festivals locaux – j’ai notamment travaillé pour le festival international du film d’amour de Mons et le festival du film de Namur. Mais je voulais aussi apprendre à faire des films et j’ai postulé pour un master en production cinématographique à l’université de Boston. Je suis arrivée en 1994. L’année suivante, je suis devenue membre de la French Library pour rencontrer le réalisateur polonais Krzysztof Kieślowski, venu présenter sa trilogie Trois couleurs. J’ai plus tard accepté un poste de projectionniste, le 27 septembre 1997 – le jour de la fête de la communauté francophone de Belgique ! Je suis depuis passée par tous les postes, avant de prendre la direction en 2016. Je connais la maison comme ma poche.


*Barbara Bouquegneau est aussi vice-présidente de la Fédération des Alliances Françaises aux Etats-Unis.


French Cultural Center
53 Marlborough Street
Boston, MA 02116
www.frenchculturalcenter.org