France-Amérique : Comment naissent les illustrations de couverture du magazine ?
Thomas Hayman : Cela dépend des mois. Je reçois parfois des demandes très précises sur les éléments visuels à mettre en avant : des livres, une librairie et une atmosphère spirituelle pour la couverture de janvier, par exemple. J’étais plus libre sur celle de mars. On m’a seulement donné un thème : le succès des séries françaises aux Etats-Unis. J’ai cherché une manière d’américaniser les séries françaises et j’ai pensé à un cinéma à l’américaine avec Le Bureau des légendes, Baron Noir et Call My Agent! [Dix pour cent] en devanture. C’était une idée simple et rapidement compréhensible. En termes de couleur, je voulais donner un aspect rétro qui rappelle les thrillers américains des années 1940 et les films de la Nouvelle Vague. J’ai gardé un aspect moderne avec des voitures d’aujourd’hui. Je travaille sur ordinateur avec les logiciels Photoshop et Illustrator, ce qui me permet de faire facilement des retouches, et j’utilise After Effects pour ajouter des effets : le grain, par exemple, ou les lignes qui entourent les éléments et donnent cet effet de surimpression.
Cette esthétique néo-vintage est très présente dans votre travail, cette impression d’avoir affaire à une affiche ancienne…
Oui, j’essaye de faire quelque chose à la frontière entre le passé et le présent, entre le vintage et le moderne. Je m’inspire beaucoup des affiches publicitaires et touristiques des années 1940 à 1970, avec cette technique d’impression qui créée des contours entre chaque élément. J’adore les imperfections de ces affiches et j’essaie de les reproduire dans mon travail.
Quels sont vos autres sources d’inspiration ?
J’adore les estampes japonaises, la façon dont les artistes symbolisent les choses. De près, on observe des formes géométriques assez simples, mais en s’éloignant, on aperçoit une image complexe et réaliste. J’aime aussi Félix Vallotton, les impressionnistes et Alex Colville, un peintre canadien dont les couleurs et les compositions très léchées et très réfléchies m’inspirent beaucoup. J’aime aussi Hopper bien sûr, Hockney, l’hyperréalisme américain…
Comment êtes-vous devenu illustrateur ?
Quand j’étais petit, je dessinais beaucoup de voitures et je voulais devenir dessinateur automobile ! Et puis je me suis rendu compte qu’il fallait être bon en maths et j’ai laissé tomber cette idée. Mais le dessin a toujours été ma voie. J’ai commencé des études d’art au lycée, à Paris, et je me suis intéressé à l’histoire de l’art, à la peinture et au graphisme. J’ai ensuite suivi un BTS en communication visuelle et multimédia, toujours à Paris, avant d’étudier l’illustration pendant deux ans au London College of Communication. A ma sortie de l’école, pendant la crise de 2007, j’ai été sans emploi pendant trois ans. J’ai appris tout seul l’animation : un ancien professeur m’avais dit qu’il y avait beaucoup de débouchés dans ce domaine. Pendant cinq ans, j’ai animé des chiffres et des pourcentages pour des banques, des entreprises de travaux publics et d’autres grosses entreprises françaises du CAC 40. Ce n’était pas très créatif ! Et puis une agente a remarqué mon travail d’illustration et m’a proposé un contrat. Je ne fais plus que de l’illustration aujourd’hui.
Quelle relation entretenez-vous avec les Etats-Unis ?
Je suis allé en Floride quand j’avais neuf ou dix, mais je ne me souviens que du parc d’attraction Walt Disney World ! Ma vision des Etats-Unis est donc fantasmée parce que je ne connais le pays qu’à travers son cinéma – récemment, j’ai bien aimé American Honey ; il est très beau. Les films nous donnent une idée globale de l’Amérique. J’aimerais y retourner pour confronter mes illustrations à la réalité sur place.