Festival

Focus on French Cinema : bienvenue au cinéma belge

Contraint d'annuler son édition 2020 au printemps dernier en raison de la pandémie, Focus on French Cinema revient avec un festival virtuel, du 21 au 30 avril, et un coup de projecteur sur le cinéma belge contemporain. Pour discuter de cette 16e édition et de la programmation, nous avons rencontré Renée Ketcham, présidente du festival et de l'Alliance française de Greenwich dans le Connecticut, Joe Meyers, directeur de la programmation, et Karine Nguyen, conseillère culturelle pour la Wallonie et Bruxelles à New York.
Jo Deseure et Jean Le Peltier dans Une vie démente (2020), de Ann Sirot et Raphaël Balboni.

France-Amérique : Avant tout, heureux de vous revoir ! Comment avez-vous réussi à transformer le festival, qui se déroule habituellement entre le Connecticut et New York, en un événement virtuel ?

Renée Ketcham : Nous sommes ravis d’être de retour, bien que virtuellement ! Nous nous sommes inspirés d’autres festivals pour acquérir de l’expérience – j’ai été invitée au Marché du Film Online à Cannes, je suis allée virtuellement à Toronto, à Berlin et à Cinemania à Montréal. Nous avons une relation de longue date avec ce dernier événement et ils nous ont aidés, par exemple à choisir une plateforme de visualisation. Contrairement à d’autres festivals en ligne, où l’on est bombardé de contenu, nous avons décidé d’offrir à notre public un film par jour [10 dollars par film, 75 dollars pour un pass festival], avec une fenêtre de visionnage de 24 heures.

Joe Meyers : Nous souhaitions vraiment conserver l’atmosphère d’un vrai festival, avec une sélection, des conseils et un programme prédéfini. Mais au lieu d’avoir des invités en personne – le point fort de Focus on French Cinema – nous avons organisé des interviews Zoom avec de nombreux réalisateurs et acteurs sélectionnés cette année, que les spectateurs pourront visionner tout au long du festival.

Parlez-nous du processus de sélection. A-t-il été différent en raison du format virtuel du festival ?

Joe Meyers : Il n’a pas changé. Nous avons visionné entre 100 et 150 films et chaque lundi matin, notre comité de sélection se réunissait via Skype, pour en discuter et commencer à réduire la liste à 13 films. L’un des défis de cette année fut de déterminer si les distributeurs étaient disposés à ce qu’un film soit projeté virtuellement plutôt que dans une salle. Le processus de réservation de chaque film a été plus long. A quelques exceptions près, nous avons eu les films qui nous enthousiasmaient vraiment !

Renée Ketcham : Nous voulions projeter Adieu les cons d’Albert Dupontel – le film le plus extraordinaire que j’ai vu depuis des années – mais Gaumont réserve l’exclusivité à sa sortie en salle.

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Charles Aznavour à New York, dans Le regard de Charles (2019) de Marc di Domenico. © Arsenal Filmverleih

Joe Meyers : Je pense que cette sélection est l’une des meilleures de notre festival. Très variée, elle propose thrillers, comédies, drames, films familiaux et même un excellent documentaire, Le regard de Charles, qui présente la vie de Charles Aznavour à travers les images qu’il a lui-même tournées alors qu’il parcourait le monde en tant que chanteur et acteur. Un film remarquable ! Et nous avons eu la chance d’interviewer son fils, Mischa Aznavour. Nous avons également reçu le dernier film du réalisateur François Ozon, Eté 85, qui a fait un tabac dans les festivals cette année. Il a fallu du temps, mais nous avons réussi à obtenir les droits. L’histoire nostalgique et lumineuse d’un jeune homme qui, devenant adulte, est confronté à son homosexualité et à sa première vraie relation. Ozon mêle magnifiquement comédie et drame, avec en prime l’ambiance des années 1980 recréée par la bande son et les costumes. Un film formidable ! J’ai également beaucoup apprécié Ibrahim, autre histoire de passage à l’âge adulte, réalisée par Samir Guesmi. Lorsque je l’ai vu la première fois, il m’a rappelé Le Voleur de bicyclettes. Abdel Bendaher, qui tient le rôle principal, n’avait jamais joué auparavant. Le réalisateur l’a repéré lors d’un match de football et l’a tout de suite vu en Ibrahim, garçon à l’aube de sa vie d’homme. Ce film a tout d’un classique moderne.

La sélection rendra hommage au cinéma belge avec deux films. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?

Karine Nguyen : Une vie démente sera projeté lors de la soirée d’ouverture, le 21 avril. Nous avons eu la chance d’interviewer les réalisateurs, Ann Sirot et Raphaël Balboni, deux cinéastes extraordinaires. Leur film traite d’un sujet très profond – la maladie d’Alzheimer et la démence – mais avec une légèreté et un sens de l’humour typiquement belges. A voir absolument. Quant à SpaceBoy, c’est une comédie familiale réalisée par Olivier Pairoux, qui a produit et animé de nombreuses émissions à la télévision belge et fait ses débuts en tant que réalisateur.

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Albane Masson et Basile Grunberger dans SpaceBoy (2020) d’Olivier Pairoux.

Le cinéma belge n’est pas aussi populaire aux Etats-Unis que le cinéma français. Selon vous, qu’est-ce qui fait sa singularité ?

Karine Nguyen : Une des particularités du cinéma belge est sa simplicité et sa légèreté. Les cinéastes belges sont aussi trop discrets. Ils devraient davantage se montrer à l’international !

Joe Meyers : Les films belges ont une façon unique de raconter une histoire. Lors d’un entretien, Olivier Pairoux nous a dit que les réalisateurs belges sont « plus pragmatiques ». Selon lui, c’est en partie à cause du défi que représentent les budgets plus serrés que ceux des films français. Ils doivent travailler dans un cadre restreint et trouver des solutions avec moins d’argent, ce qui stimule leur créativité.

Quels sont les autres réalisateurs belges à suivre ?

Karine Nguyen : Les frères Dardenne, bien sûr. Je recommande également Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy, qui a réalisé La Fée, emblématique de la spécificité du cinéma belge. J’aime aussi beaucoup Les Géants de Bouli Lanners [le film a remporté plusieurs Magritte, plus haute distinction du septième art en Belgique] et Troisièmes noces de David Lambert. Ces deux films ont d’ailleurs été projetés ce printemps dans le cadre du Festival de la Francophonie d’Atlanta !


Focus on French Cinema

Du 21 au 30 avril
En ligne