Théoricien de l’art brut, Jean Dubuffet (1935–1962) est, avec Yves Klein, « l’artiste français le plus connu aux Etats-Unis », selon le collectionneur Franck Prazan. Une centaine de ses dessins, issus de collections françaises et américaines, seront exposés à la Morgan Library de New York, du 30 septembre au 2 décembre.
Il a influencé Basquiat et Keith Haring. Artiste radical et polyvalent — toiles de grand format en couleur, dessins, collages, architectures utopiques en polyuréthane, sculptures en charbon de bois et en mâchefer, etc. — Dubuffet a révolutionné le monde de l’art du XXe siècle. Pourtant, en dehors des ventes aux enchères et d’une rétrospective organisée pour le centenaire de sa naissance au Centre Pompidou en 2001 — qui, infortune du calendrier, ouvrit le 13 septembre 2001, soit deux jours après les attentats aux Etats-Unis — Dubuffet n’eut que rarement droit aux éloges en France, où l’on tarda à reconnaître son talent. Aux Etats-Unis, grâce au soutien de Pierre Matisse, son agent sur place qui joua un rôle fondamental dans la diffusion de son travail, ses œuvres triomphent dès les années 1940 au MoMA — qui le consacrera à nouveau en 1962 avec une première grande retrospective — et au Guggenheim de New York. « Là où je ne rencontre que fort rarement des Français qui comprennent bien profondément à quoi répondent mes travaux, je vois très souvent des Américains donner d’irréfutables marques de les comprendre parfaitement, sans effort et comme de plain-pied », déclara Dubuffet en 1944.
L’artiste entretiendra toute sa vie des liens privilégiés avec les Etats-Unis, où il séjournera de 1951 à 1952, et avec New York en particulier, dont l’avant-garde artistique influencera durablement son travail. Découvreur de « l’art brut » — une forme d’art pratiquée par des autodidactes qui le réconciliera avec le monde de l’art qu’il abhorre —, il fondera à Manhattan la Compagnie de l’Art Brut avec André Breton. Outre ses collages et toiles s’inspirant des graffitis, des dessins d’enfants ou de malades mentaux, et ses écrits polémiques sur l’art (Asphyxiante Culture, 1968), Dubuffet se fera connaître du grand public avec ses « praticables », sortes d’immenses sculptures habitables créées en polystyrène puis coulées, bâties en résine, en béton et en époxy, comme la Tour aux figures de l’île Saint-Germain à Issy-les-Moulineaux ou les 1 610 mètres carrés de La Closerie Falbala, à Périgny-sur-Yerres mais aussi avec Le groupe de quatre arbres en polystyrène plantés à New York devant le Rockefeller Center (ainsi qu’à la Défense à Paris) ou encore son Monument with Standing Beast, surnommé par les locaux « Snoopy in a Blender », coincée entre les gratte-ciel de Chicago. Des structures blanchâtres aux circonvolutions étranges, qui feront dire de Dubuffet qu’il est le seul artiste dans les œuvres duquel l’on puisse pénétrer physiquement.
Dubuffet Drawings, 1935–1962
Du 30 septembre au 2 décembre
A la Morgan Library & Museum de New York
www.themorgan.org
Article publié dans le numéro de septembre 2016 de France-Amérique.