Jeanne Damas n’a jamais souhaité être connue. Pourtant, dix-sept ans après avoir créé son premier compte Tumblr à l’âge de treize ans, l’influenceuse, mannequin, créatrice de mode et directrice artistique est au sommet. Suivie religieusement par un million et demi d’abonnés sur Instagram, elle fête le cinquième anniversaire de sa marque de prêt-à-porter Rouje avec un livre – un album photo en français et en anglais « conçu comme un film, un road movie glamour, un scrapbook inspirant et joyeux » – et s’apprête à lancer une nouvelle ligne de beauté.
Rouje, explique-t-elle « c’est des silhouettes féminines inspirées du quotidien comme du vintage, par et pour les femmes ». Au premier rang de ses influences, avant Georgia O’Keeffe, Penélope Cruz et « les femmes fortes d’Almodóvar », il y a sa mère, sa « première icône ». Il y a ensuite sa sœur Louise, qui fait des bijoux, la styliste Nathalie Dumeix, rencontrée dans le restaurant de ses parents lorsqu’elle était adolescente et qui lui transmettra sa passion pour la mode, ou encore la créatrice de lingerie Yasmine Eslami, « [son] amie depuis dix ans », dont elle est la muse et l’égérie.
Des femmes que l’on retrouve dans le livre La vie en Rouje, où elles sont rejointes par la chanteuse malienne Inna Modja, l’actrice américaine Maya Thurman-Hawke et les peintres Inès Longevial et Nina Koltchitskaia. Sans oublier Isabelle Adjani, Emmanuelle Béart et Léa Seydoux, qui portait une robe Rouje dans le film Mourir peut attendre. Libres, sensuelles et naturelles, à la terrasse d’un café à Paris, sur le port de Lisbonne ou sur la plage de Malibu, elles forment les tableaux successifs d’un carnet de style baigné de soleil et de touches rétro.
« Ce livre est un voyage », écrit Jeanne Damas en avant-propos. « Dans mes rêves et mon imaginaire depuis ma petite enfance à Paris. Des années passées dans le bistrot de mes parents, à traîner entre les tables des clients. Écouter les conversations, regarder les femmes discuter pendant des heures, les voir refaire le monde. Photographier ma mère, ma sœur, mes amies, capturer des moments de vie, de la beauté… Créer des histoires avec des images. »
« La femme avant le vêtement »
Justement. L’entrepreneure, qui se destinait à une carrière de comédienne et a étudié le théâtre à l’Atelier Blanche Salant, n’hésite pas à prendre la pose dans le cadre des campagnes de Rouje. L’année dernière, on la découvrait au quotidien dans les rues de Paris, façon images volées : Jeanne Damas avec son compagnon, Jeanne Damas en train de pousser son fils dans un landau, Jeanne Damas sortant du supermarché avec six rouleaux de papier toilette sous le bras, Jeanne Damas en robe et baskets sur une trottinette électrique, une botte de poireaux dans son cabas…
Enceinte, elle posait en lingerie pour L’Officiel et Vogue avant de s’afficher en couverture de Elle avec son bébé dans les bras (« Jeanne Damas : La belle histoire. Son style, ses succès, sa vie »). Quelques années auparavant, elle publiait À Paris, vingt portraits de femmes « dont chacune incarne à sa manière l’élégance, la désinvolture, le charme et l’esprit de la légendaire femme de Paris », avec ses propres photos et des textes de Lauren Bastide, journaliste et fondatrice du podcast féministe La Poudre.
Jeanne Damas prolonge aujourd’hui l’exercice avec Les rencontres en Rouje, série web allant à la rencontre de Parisiennes, telles que la restauratrice Coralie Kory ou la photographe syrienne Sara Kontar, et son partenariat de longue date avec la Maison des femmes de Saint-Denis, qui agit contre les violences faites aux femmes. Entre engagement militant et clichés assumés, Jeanne Damas continue de tracer son propre chemin. « Vous êtes une Parisienne quand vous vivez à Paris, que vous aimez votre ville et que vous voulez y rester », aime-t-elle répéter. « Il n’y a pas besoin d’y être née ! »
Article publié dans le numéro de mai 2022 de France-Amérique. S’abonner au magazine.