« Le père est américain et la maman française. » Line Renaud n’a pas vraiment menti lorsque le 18 avril 1960, elle présente Johnny Hallyday pour sa première apparition à la télévision. Son père, belge, Johnny ne l’a jamais vraiment connu. Lee Halliday, un danseur américain marié à une cousine du chanteur, était son « père de cœur ». Grâce à lui, le jeune Jean-Philippe Smet découvre la culture américaine et le rock’n’roll et devient peu à peu Johnny, surnom trouvé par Lee. « Ma culture, ça a toujours été celle des Etats-Unis, celle qui est à Nashville, à Memphis », déclarait le chanteur à l’occasion d’un entretien à France-Amérique avant sa tournée américaine en 2012.
Johnny Hallyday n’a pas encore dix ans lorsqu’il commence à danser le twist sur la musique de Bill Haley et d’Eddie Cochran. « Les parents de Lee vivaient à Tulsa, dans l’Oklahoma, et nous envoyaient les premiers vinyles de rock américain. Ce genre n’existait même pas encore en France. » Dès l’âge de 14 ans, Johnny monte sur scène pour chanter les standards rock sur les bases de l’armée américaine en Europe. « Ce sont des souvenirs extraordinaires. Je me rappelle encore qu’un G.I. m’avait ramené un jean Levi’s. »
A l’orée d’une carrière américaine
Le chanteur a élu résidence à Los Angeles, où il a acheté une villa dans le quartier de Pacific Palisades en 2013, mais c’est dans le Tennessee qu’il a rencontré l’Amérique, son « pays d’adoption ». En 1962, Johnny Hallyday signe un contrat avec la maison de disques Philips et se rend à Nashville pour enregistrer les albums Sings America’s Rockin’ Hits et Nashville Session 62. Il en profite pour donner des concerts sur les campus universitaires de Baltimore, Washington, New York et Chicago. A l’évocation de cette époque, Johnny Hallyday cherche dans ses souvenirs. « Honnêtement, je ne m’en souviens pas vraiment. J’ai par contre encore le souvenir du concert que j’avais donné pour l’inauguration du paquebot France à New York, devant Jackie Kennedy. »

Durant cette période, Johnny Hallyday touche de près le rêve d’une carrière aux Etats-Unis. Shelby Singleton, producteur américain ayant assisté à ses enregistrements, affirme à l’époque que la star française aurait pu devenir une vedette outre-Atlantique si la tournée avait été prolongée. « Evidemment j’aurai bien aimé faire carrière là-bas », confiait Johnny Hallyday. « Mais je ne regrette pas non plus. Et puis, en France, j’ai été le pionner du rock, celui qui a apporté cette culture. C’est une fierté d’avoir ouvert les portes à plein d’autres groupes. »
A Nashville, il enregistre nombre de ses concerts. « Ah quelle ville ! », se souvient-il dans un sourire. « L’endroit a bien changé. Quand j’y allais dans les années 1960, c’était tout petit, il n’y avait aucun gratte-ciel. J’ai failli acheter un ranch là-bas. » Musicalement, Johnny Hallyday trouve aux Etats-Unis des musiciens hors-pair qui jouent le rythm’n’blues comme personne en France. A New York, en 1963, il part à la recherche de guitaristes maniant aussi bien le blues, la country et le rock. Johnny Hallyday fait la tournée des bars de Greenwich Village et fait la rencontre au Trude Heller’s Club de Joey Greco et Raph DiPietro, avec qui il formera le groupe Joey and The Showmen. De leur collaboration naîtront deux albums et de très nombreuses reprises de standards américains jusqu’à ce que Johnny Hallyday soit rattrapé par le service militaire.
Le blues du rockeur
Une fois l’armée terminée, « l’idole des jeunes » surprend ses fans en 1966 avec des chansons aux sonorités très différentes de ses précédentes. Johnny Halliday se tourne vers le blues. Un style qu’il a découvert peu à peu au fil de ses voyages dans le Tennessee et de ses rencontres. Un virage musical qui peut s’expliquer par une vie privée qui connaît des hauts et des bas. Depuis son mariage avec Sylvie Vartan, la presse ne le lâche plus et n’en finit plus d’annoncer la séparation du couple vedette. Le chanteur tentera de mettre fin à ses jours en septembre 1966.
Parti à Londres enregistrer son album blues La Génération Perdue – le 25e meilleur album de rock français selon le magazine Rolling Stone –, Johnny Hallyday fait la connaissance d’un guitariste fantasque : James Marshall Hendrix, dit Jimi Hendrix. Le tube « Hey Joe » n’est pas encore sorti mais Johnny Hallyday est impressionné par le jeune Américain de 24 ans et lui propose de faire sa première partie pour quatre concerts en France. Quelques mois plus tard, les riffs délirants de Jimi Hendrix éclatent aux yeux du monde. Les deux hommes restent amis et le guitariste américain accepte d’accompagner Johnny Hallyday dans la version française de « Hey Joe ».
Après cet album, où le chanteur reprend pour la dernière fois une chanson des Beatles (« Got to Get You into My Life », renommée « Je veux te graver dans ma vie »), la carrière de Johnny Hallyday va quitter les sentiers du rock de Nashville. Elle y reviendra de temps en temps. En 1984, par exemple, lorsqu’il se rend dans le Tennessee pour enregistrer une reprise en français du « Johnny B. Goode » de Chuck Berry avec le groupe américain The Stray Cats. « Le rock a changé aujourd’hui », confait le rockeur en 2012. « Il a évolué musicalement. Moi aussi. Mais il n’est pas mort. Bruce Springsteen est toujours là. Les Black Keys mélangent encore rock et blues et le font très bien. Mais si je devais sauver un de mes vinyles, je reviendrais toujours vers Elvis. ‘Blue Moon of Kentucky’, c’est intemporel. »
Article initialement publié dans le numéro de mars 2012 de France-Amérique. S’abonner au magazine.