Un défibrillateur connecté permettant aux pompiers de localiser la personne victime d’un arrêt cardiaque ; un appareil de cuisine transportable pouvant servir à la fois de réchaud, de plancha, de toaster et avec lequel on peut faire aussi bien des grillades que des fondues ; une brique de construction en cellulose rigide ; un badge rétro-éclairé pour signaler un handicap invisible. Qu’ont en commun ces objets ? Ce sont les uns et les autres des inventions récompensées par le concours Lépine 2022.
Lancé en 1901 par le préfet de Paris Louis Lépine dans l’optique de conjurer la crise qui touche alors les fabricants parisiens de jouets et de quincaillerie, ce concours-exposition a distingué au fil des ans des trouvailles de tout ordre. Certaines plutôt farfelues tels les W.-C. insonorisés, la chaussette à poche, le tartineur de beurre, la cravate magnétique qui vous épargne la corvée du nœud ou encore l’alarme anti-sommeil pour ceux qui piquent du nez de façon inconsidérée. D’autres, en revanche, sont devenues des objets familiers, comme le stylo à bille (1919), la machine à laver (1922), la tondeuse à gazon (1930), le presse-purée (1931) ou les lentilles de contact (1948).
Tout cela peut paraître anecdotique. Mais cette frénésie d’inventions semble faire partie du génie français. Si, aujourd’hui, le pays de Pasteur, pionnier de la microbiologie, et de Pierre et Marie Curie, qui ont découvert le radium, paraît à la traine dans de nombreux domaines scientifiques, il peut se prévaloir de découvertes qui ont contribué à façonner notre mode de vie actuel. On doit le premier de ces exploits à Blaise Pascal. En 1642, âgé de 19 ans, l’auteur des Pensées et des Provinciales conçoit un appareil mécanique capable d’effectuer des additions et des soustractions. La machine à calculer est née. Et, on l’oublie souvent, le principe de la « pascaline » est toujours appliqué pour les compteurs kilométriques des automobiles.
La boîte de conserve, le braille et la carte à puce
Un objet des plus courants aujourd’hui révolutionna en son temps la vie quotidienne de millions de gens : la boîte de conserve. En 1795, c’est-à-dire en pleine Révolution française, le confiseur parisien Nicolas Appert invente une technique de conservation longue durée. Elle consiste à placer des aliments dans des récipients rendus étanches à l’air puis à les chauffer à une température élevée afin de détruire les bactéries. On parle aujourd’hui encore d’appertisation pour décrire ce procédé.
A un autre Français les malvoyants rendent chaque jour grâce. En 1802, le jeune Louis Braille, 15 ans, qui a lui-même perdu l’usage de la vue à l’âge de 3 ans, élabore un système d’écriture à points saillants. Les alphabets du monde entier ont depuis adopté le système braille.
Le 19 mars 1895, les frères Louis et Auguste Lumière tournent le premier film de tous les temps, La sortie des usines Lumière, un court métrage de moins de 40 secondes. Les Lumière baptisent cinématographe l’ensemble caméra et projecteur qu’ils ont mis au point : le cinéma était né. Quelques décennies auparavant, c’est la photo qui avait vu le jour sur le sol français après que Nicéphore Niépce a conçu une boîte pour fixer des images sur une plaque d’étain recouverte de bitume. Le premier cliché est pris en 1826.
Autre invention qui a bouleversé notre vie quotidienne : la carte à puce. En 1974, l’ingénieur Roland Moreno conçoit une technologie consistant à intégrer une mémoire à circuits intégrés dans une carte de format standard. On la retrouve aujourd’hui aussi bien dans les cartes bancaires que dans les passeports, les cartes SIM, les badges et passes de toute nature.
La révolution des transports
Le domaine où les inventeurs français se sont montrés sans doute les plus créatifs est celui des transports. Au XVIIIe siècle, Joseph Cugnot, un ingénieur militaire lorrain, fabrique la première automobile en équipant un chariot lourdement chargé d’une chaudière à vapeur. En 1770, son véhicule fait sensation lorsqu’il parcourt quelques mètres à la vitesse de 4 kilomètres/heure.
Si c’est un Allemand qui a trouvé le principe du vélocipède, ancêtre de la bicyclette, c’est un Français, le serrurier parisien Pierre Michaud, qui met au point vers 1860 le système des pédales. Or, comme dit l’autre, un vélo sans pédales, c’est un peu comme un piano sans touches !
Clément Ader, lui, est entré dans les annales en 1890 – presque un siècle après l’invention du ballon à air chaud, ou aérostat, par les frères Montgolfier en 1793 – en faisant voler le premier avion digne de ce nom. Doté de deux hélices en bambou et d’un moteur à vapeur de 20 chevaux, l’appareil s’élèva à 20 centimètres du sol sur une distance de 49 mètres.
Le bidet, le champagne et la guillotine
Les Français peuvent encore s’enorgueillir d’inventions aussi remarquables que l’autocuiseur (1679), le parachute (1797), le stéthoscope (1816), l’eau de javel (1820), le gyroscope (1825), les allumettes (1831), le pansement ouaté (1870), le soutien-gorge tel qu’on le connaît aujourd’hui (1889) ainsi que, probablement, le paratonnerre (1752) dont Benjamin Franklin n’aurait fait qu’émettre l’idée. A quoi il convient d’ajouter le parapluie pliant (1705) et le bidet, apparu dans l’Hexagone vers 1710.
Dans cet inventaire à la Prévert, on ne saurait, bien sûr, passer sous silence le champagne. C’est un moine bénédictin surnommé Dom Pérignon qui, en 1688, eut l’idée d’appliquer à la production champenoise la méthode de vinification effervescente des vins de Limoux, dans le sud de la France.
Il est vrai que la France et ses habitants se sont aussi illustrés par des trouvailles moins glamour comme la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), concoctée en 1954 par un jeune inspecteur des finances, Maurice Lauré, et l’horodateur, conçu en 1972 à Besançon. Sans oublier la tristement célèbre guillotine inaugurée pendant la Révolution française, le 25 avril 1792. Promue à l’Assemblée nationale par le docteur Joseph-Ignace Guillotin, soucieux d’abréger les souffrances des suppliciés, mais conçue par un autre médecin, Antoine Louis, cette machine à décapiter s’exportera dans plusieurs pays voisins comme l’Allemagne et la Suisse et sera utilisée pour la dernière fois dans l’Hexagone en 1977.
Les inventions de demain
Tout cela est bien beau, dira-t-on, mais c’est le passé. Qu’apportent aujourd’hui les Français à l’humanité ? Dans le secteur de l’écologie, pour commencer, les bonnes idées et les réalisations fleurissent. Elles portent notamment sur le stockage des énergies renouvelables, dont la production, on le sait, est la plupart du temps intermittente. C’est un Français, par ailleurs, qui a mis au point en 1993 le vélo électrique à énergie solaire. Autre cocorico : l’hélicoptère entièrement électrique existe bel et bien depuis 2011 et il est français !
La contribution de la France aux dernières avancées de la médecine n’est pas non plus négligeable. Avec ses centaines de start-up dans le domaine de la biotech et de la medtech et ses grands groupes pharmaceutiques, elle figure parmi les nations en tête de la course à l’innovation. Au nombre des inventions de ces dernières années, les hématies (globules rouges) synthétiques et le larynx artificiel, les nanoparticules pour mieux cibler les cancers, l’exosquelette taillé pour aider les handicapés à marcher ou encore un traitement innovant pour rendre la vue aux aveugles en sensibilisant certaines cellules rétiniennes à la lumière.
Le slogan lancé par le président Valéry Giscard d’Estaing en 1976, dans le contexte de la hausse du prix de l’essence, n’a pas pris une ride : « En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées ! »
Article publié dans le numéro de juillet 2022 de France-Amérique. S’abonner au magazine.