Caviste à New York, je me suis trouvé emporté dans la « parkermania » des années 1980. Robert Parker et sa newsletter, The Wine Advocate, étaient la voix du monde du vin. Nous avons passé des heures à débattre des mérites de ses notes. Ses publications étaient pour nous autant de bibles. Pendant des années, nous les avons attendues impatiemment. L’un des principaux cavistes new-yorkais avait l’habitude de dire qu’il préférait avoir en primeur un exemplaire de The Wine Advocate plutôt qu’un délit d’initié tout droit sorti de Wall Street.
L’ascension vers la notoriété de Robert Parker a débuté par ses commentaires sur le millésime 1982 des vins de Bordeaux. Alors que d’autres critiques ne partageaient pas cet avis, Robert Parker déclara qu’il trouvait ce millésime superbe. Ce qui se révéla être exact et lança son extraordinaire carrière de critique.
On se demandait sans cesse si l’inluence de Robert Parker était positive ou négative. Tout le monde était d’accord pour dire qu’il éduquait les consommateurs, participait à une meilleure information sur les produits et à une amélioration de la qualité des vins en général, tout en développant les marchés. Il a encouragé le public à acheter du vin, lui conseillant quels nectars boire. Les gens avaient soif de savoir, il a partagé le sien.
Les producteurs ont alors tout fait pour que leurs vins répondent aux attentes de Robert Parker et ce afin d’obtenir de meilleures notes. Il a une préférence pour les vins robustes et avec un haut degré d’alcool, un gros potentiel de garde, vieillis en fût de chêne avec des notes vanillées et de fruits. Les producteurs ont donc modifié leurs techniques de vinification pour lui plaire. Et cela a eu pour résultat une tendance mondiale, connu sous le nom de « parkerisation ». Cette inluence a touché de nombreuses régions, parmi lesquelles le Bordelais, la Californie et l’Espagne.
Les producteurs avaient toutes les raisons d’assembler des vins au goût de Robert Parker ; meilleures étaient les notes, plus chers et prestigieux étaient les vins, et les bénéfices suivaient.
Robert Parker se disait qu’en définissant un style, il aidait les domaines à tirer la quintessence de leur terroir. Mais certains pensent qu’en dépit de ses bonnes intentions il a modifié l’identité et la diversité de régions et de domaines. Le style « parkérisé » a vaincu. Mais pas sans ratés, comme en Australie où les shiraz, trop extraits et concentrés, sont devenus imbuvables. Les ventes se sont effondrées pour ne jamais repartir à la hausse. Robert Parker a également rencontré des difficultés en Bourgogne, une région qui a toujours été réticente quant à son style, ce qui n’empêche pas les bourgognes d’être aujourd’hui les vins plus recherchés au monde.
Article publié dans le numéro d’octobre 2019 de France-Amérique. S’abonner au magazine.