Une kyrielle de documentaires ont déjà été consacrés au petit prince de l’underground new-yorkais et ses excès : sa gloire soudaine, les millions de dollars accumulés dans son appartement de l’Est Village, sa relation à Andy Warhol ou son addiction à la drogue, jusqu’à sa disparition prématurée en 1988, à l’âge de 27 ans. Un aspect moins connu du grand public est la fascination qu’entretenait Basquiat avec le continent de ses ancêtres : l’Afrique. C’est cette nouvelle grille de lecture de son œuvre, placée sous le signe de l’africanité, que propose le documentaire de la productrice Rachel Kahn et du réalisateur Cyril Bérard. En prenant soin de ne jamais chercher à l’interpréter.
Le film L’Afrique au cœur s’ouvre sur le séjour de Basquiat en Côte d’Ivoire en octobre 1986. À l’initiative de son galeriste suisse, Bruno Bischofberger, l’enfant terrible de l’art contemporain expose ses toiles au Centre culturel français d’Abidjan. Si l’accueil du public, déconcerté par l’audace de son œuvre, est pour le moins réservé (un journal local titrera « Des couleurs et des formes qui dérangent »), ce séjour va permettre à Basquiat de se confronter à l’identité africaine qu’il revendique dans ses œuvres et qui va le transcender.
L’Afrique comme thérapie
Guidé par ses amis français, Basquiat découvre la richesse de la Côte d’Ivoire : les rives du fleuve Bandama, l’île de Tiagba et surtout, dans le nord de la Côte d’Ivoire, la région des Savanes, berceau du peuple sénoufo, une terre d’artistes et de spiritualité. Dans les rues de sa capitale, Korhogo, l’artiste qui cherche à se délivrer de ses démons intérieurs – ses « fantômes », comme il les appelle – explore les marchés à la recherche de fétiches et d’amulettes.
De retour à New York, il signe une œuvre devenue culte. Sur une planche de bois peinte en noir, il écrit en lettres majuscules blanches : To repel ghosts (Repousser les fantômes). L’art, en Afrique, est un rempart contre le mauvais sort. Mais le continent aurait-il pu sauver Basquiat ? Ressourcé par son séjour en mère patrie, il rêvait d’y retourner. Il succombe à une overdose de drogues le 12 août 1988. Dans ses affaires, on retrouvera un billet d’avion : un aller simple pour Abidjan.
Un passeur de culture
Si Basquiat a été influencé par l’Afrique, l’inverse est aussi vrai. « Des générations d’artistes s’en sont inspiré et s’en sont affranchi pour trouver leur propre voie », rappelle le documentaire. La parole est donnée aux peintres africains contemporains – Jacobleu, Dominique Zinkpé, Aboudia ; tous revendiquent l’influence de Basquiat dans leur travail. Puis c’est à la toute jeune génération d’étudiants de citer leurs mentors, tous africains, comme Armand Boua et Ouattara Watts.
Le documentaire met aussi en lumière le formidable travail de la Fondation Zinsou, au Bénin, qui a mis sur pied en 2007 l’exposition Basquiat in Cotonou, vingt ans après l’exposition du Centre culturel français d’Abidjan. Dans son espace dédié aux enfants, on y voit le peintre Gérard Quenum fait découvrir aux artistes en herbe les toiles de Basquiat pleines de couleur et de mouvements.
L’une des forces du film est de mettre en lumière cette influence réciproque entre Basquiat et l’Afrique. Et de montrer, en peintures, comment les artistes africains contemporains ont su capter son énergie pour la transfigurer dans leurs propres toiles. Pour à leur tour faire entrer la négritude dans les plus grands musées du monde.
Sortie américaine : 1er août
Durée : 60 min
Réalisateur : Cyril Bérard
Productrice : Rachel Kahn
Plateforme de diffusion : TV5MONDEplus