Quel est le point commun entre Lewiston et Biddeford dans le Maine, Manchester dans le New Hampshire et Woonsocket dans le Rhode Island ? Il y a un siècle, plus de la moitié de la population de ces villes américaines parlait français. Entre 1840 et 1930, on estime qu’un million de Francophones ont quitté le Québec pour aller travailler dans les villes ouvrières de la Nouvelle-Angleterre, berceau de la révolution industrielle en Amérique du Nord.
Pour parer au manque de main-d’œuvre, les usines de caoutchouc et les filatures de coton et de laine qui se multiplient dans le nord-est des Etats-Unis se tournent vers le Québec voisin. Des recruteurs font le tour des villages. En 1850, la commune de Saint-Ours, au nord de Montréal, fournit 27 % des migrants employés dans les filatures de Woonsocket dans le Rhode Island. L’exode s’accélère avec la guerre de Sécession ; il faut remplacer les hommes partis au front. En 1920, les trois quarts de la ville parlent français.
« Le français n’est plus autant parlé en Nouvelle-Angleterre de nos jours », regrette Anne Conway, la directrice du musée consacré à l’histoire des migrants francophones à Woonsocket. La culture franco-québécoise, cependant, est toujours présente dans la région. Elle est préservée par plusieurs musées, universités, sociétés de généalogie et associations francophones. Les plats servis lors des fêtes de fin d’année sont typiquement québécois : la tourtière, le ragoût, la tarte au sucre ou encore le pouding chômeur.
Un itinéraire de 750 kilomètres
Les villes de Woonsocket, Manchester, Biddeford et Lewiston pourraient bientôt partager plus qu’un passé et des spécialités gastronomiques. Le maire de Québec, l’un des fondateurs du Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique, a récemment encouragé les 140 agglomérations membres de l’association à « travailler ensemble » et à « créer des routes » entre elles. Une consigne appliquée à la lettre.
La « Franco-Route of New England », prévue pour la fin de l’été 2019, reliera les villes de Lewiston et Biddeford dans le Maine, Manchester dans le New Hampshire et Woonsocket dans le Rhode Island, membres du Réseau des villes francophones. Un itinéraire de 750 kilomètres. Dans chaque ville étape, les restaurants seront encouragés à traduire leur menu en français et à proposer des spécialités québécoises. Le projet, qui a reçu le soutien de la Délégation du Québec à Boston, intéresse désormais les villes de Lowell et Salem dans le Massachusetts et Skowhegan dans le Maine.
« Cette route existe déjà », sourit Anne Conway, la déléguée du Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique à Woonsocket. « C’est l’Interstate 95 : nombre de Québécois l’empruntent pour aller faire des recherches généalogiques aux Etats-Unis ou visiter le lieu de naissance de leurs grands-parents. Mais officialiser ce lien favorisera les échanges entre les villes francophones de la Nouvelle-Angleterre. »