Quelles températures nous réserve cet été ? Retrouverons-nous les fortes chaleurs de l’année dernière ? Des chaleurs particulièrement dévastatrices. Rien que pour la France, l’excès de mortalité qui leur est imputable a, selon certaines estimations, avoisiné 3 000 personnes. Et encore le pays d’Emmanuel Macron n’est-il pas le plus mal loti. Tant s’en faut. Car la hausse des températures que l’on enregistre dans le monde ces dernières années s’accompagne un peu partout de catastrophes naturelles meurtrières. Aux méga-incendies dont sont désormais coutumières des régions comme la Californie et le bassin méditerranéen s’ajoutent les ravages de pluies diluviennes, comme on l’a vu en 2022 au Pakistan.
Le réchauffement climatique n’est plus une abstraction. Les hommes ont connu l’ère glaciaire il y a quelques dizaines de milliers d’années. Ils entrent aujourd’hui dans l’ère caniculaire. Etrange destinée que celle de ce mot canicule, issu du latin canicula, diminutif de canis (chien) et signifiant « petite chienne ». Dans l’Antiquité, les astronomes et astrologues romains avaient ainsi baptisé une étoile de la constellation du Grand Chien. Canicula, connue aujourd’hui sous le nom de Sirius (du grec seirios, « brûlant », « ardent »), est le point le plus brillant du ciel après le Soleil.
Au niveau du 45e parallèle de l’hémisphère nord, à la hauteur de l’Europe et de l’Amérique du Nord donc, levée et couchée en même temps que l’astre solaire du 24 juillet au 24 août, cette étoile double alors l’intensité de son rayonnement. L’associant au culte d’Isis, déesse nourricière et symbole de maternité et de fertilité, les Egyptiens de l’époque pharaonique lui concédaient des pouvoirs surnaturels, notamment dans la régulation des crues du Nil.
On utilise souvent abusivement ce mot canicule. L’organisme public Météo-France parle de « vague de chaleur » lorsque sont observées des températures anormalement élevées pendant plusieurs jours consécutifs. Et, de fait, le recensement de ces vagues depuis le milieu du XXe siècle montre une augmentation spectaculaire de la fréquence de tels événements climatiques. Pour ce qui est des canicules à proprement parler, elles correspondent à des épisodes de températures élevées, de jour comme de nuit, sur une période prolongée. Tout dépend évidemment de la zone considérée. S’agissant de Paris, par exemple, on parle de canicule lorsque sont enregistrées des températures minimales de 31°C le jour et 21°C la nuit. Rien que de très raisonnable pour un habitant de l’Arizona ou du Sahel, régions où le thermomètre dépasse régulièrement 40°C.
Les synonymes ne manquent pas. Parmi eux, étuve et fournaise. Qui dit canicule dit aussi cagnard. Ce mot arrivé au français par le truchement du provençal canha, « chienne », a les mêmes origines latines. Dans le langage familier, il désigne un soleil de plomb. La chaleur est souvent associée à la sexualité (ou l’inverse). Outrageusement misogyne et aujourd’hui tombée en désuétude, l’expression « femme en chaleur » renvoie au rut des mammifères. On parle encore, en revanche, de « chaud lapin» pour évoquer un « coureur de jupons », un homme « porté sur la chose », comme on disait autrefois. Du sexe au danger, il n’y a qu’un pas, si l’on ose cette idée. « Avoir eu chaud », cela signifie avoir échappé de peu à un accident. Au départ, il s’agissait de brûlures. Dans le fil d’une conversation, il n’est pas rare que l’on entende un interlocuteur s’exclamer : « J’ai eu chaud aux fesses. »
Le fin mot de l’histoire, c’est que l’on parle de « temps de chien » pour déplorer des conditions météorologiques marquées, au contraire, par le froid ou la pluie, les deux en général. Un chien, pardon un cochon, n’y retrouverait pas ses petits !
Article publié dans le numéro de juillet-août 2023 de France-Amérique. S’abonner au magazine.